Catégories: Economie
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11 juin 2024 23 h 08 min

Les hauts et les bas de la construction avec de la terre

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Un mercredi dans les premières semaines d’avril, Ludovic Boespflug a dû verrouiller les portes de l’usine de Sevran, en Seine-Saint-Denis, sans aucune idée de la date de réouverture. Le jour suivant, le tribunal de commerce a déclaré la liquidation judiciaire. Trois semaines après cela, trois phrases ont été publiées sur LinkedIn annonçant la fermeture désolante de l’usine Cycle Terre le 10 avril; la fermeture était due à des problèmes principalement économiques, techniques et financiers.

Un retraité, choqué, a réagi à la nouvelle, soulignant l’importance du projet et l’énorme soutien financier – 4,9 millions d’euros de l’Europe et 200 000 euros de la région. Sur Instagram, les gens exprimaient leur tristesse avec une cascade de smileys en pleurs, beaucoup d’entre eux se demandant comment ils pourraient aider. Nicola Delon, architecte et co-fondateur de l’agence Encore Heureux, en est venu à constater que 500 000 euros, le coût de la réouverture, était une goutte d’eau comparée au coût d’un stand au Mipim, la foire immobilière. Il cherchait activement une solution pour sauver cette industrie vitale.

La fermeture a été un choc considérable, particulièrement après l’espoir suscité lors de l’ouverture de l’atelier en novembre 2021. Le bâtiment, avec ses grandes baies vitrées donnant sur le parc voisin, est magnifique. Il servait surtout de fer de lance pour une communauté cherchant des options alternatives au tout béton, considérant la terre crue, une ressource locale et infiniment réutilisable, comme une solution potentiellement à la production exorbitante de déchets et aux émissions de gaz à effet de serre. Il est clair que la ressource n’est pas en manque.

L’idée avait un attrait indéniable. Utiliser la terre excavée du Grand Paris pour produire des briques, des enduits et des mortiers qui seraient alors utilisés pour construire des écoles, des bibliothèques et des logements. Le nouveau métro de Paris, le Grand Paris Express, est prévu pour découvrir une quantité impressionnante de 47 millions de tonnes de terre, soit suffisamment pour ajouter une couche supplémentaire de 27 centimètres sur toute la région de l’Ile-de-France.

En poursuivant les 5 000 forages le long de l’itinéraire de 200 kilomètres, une occasion exceptionnelle se présente pour connaître la nature des sols. Cette idée a progressé lorsque les architectes Paul-Emmanuel Loiret et Serge Joly ont présenté leur réflexion sur le potentiel de déblayage de chantier à la fin de 2016 au Pavillon de l’Arsenal. Les échantillons ont été envoyés à CRAterre, un laboratoire de Grenoble reconnu dans ce domaine.

En 2017, Wang Shu (lauréat du Prix Pritzker 2012) et le promoteur Quartus ont été choisis pour rénover le quartier de l’usine des eaux à Ivry dans le Val-de-Marne. Ils ont annoncé que les bâtiments seraient construits en bois et en terre crue. Ce fut le point de départ. Il fallait des briques et Cycle Terre les fabriquerait. L’Union européenne a soutenu cette idée et a accordé une subvention de 5 millions d’euros.

Il reste encore une grande partie de cette histoire à découvrir, cependant, la suite est réservée aux abonnés.