Enfin, la pluie torrentielle de la fin de mai s’est arrêtée, et les quatre chauffeurs de camion se sont permis un petit luxe inhabituel : un kebab acheté dans le restaurant rapide de la station-service, au lieu de la cuisine habituelle à l’arrière de leur semi-remorque. Trois d’entre eux sont originaires du Kirghizistan, le quatrième du Tadjikistan. Ils conduisent des camions immatriculés en Lituanie. Ce samedi, leur jour de repos hebdomadaire les trouve sur le parking de Hazeldonk, à la frontière entre la Belgique et les Pays-Bas, sur l’A16/E19. Deux d’entre eux sont constamment sur la route depuis six mois, en violation de toutes les réglementations, parcourant l’Europe de livraison en livraison.
« Nous dormons dans notre appartement », plaisante l’un d’eux, indiquant la cabine de son camion où une couchette est installée. Son salaire : 70 euros par jour, de nouveau en violation de toutes les réglementations. « Nous n’avons pas de congés payés, pas de budget pour nos dépenses quotidiennes. Ils ne nous remboursent pas notre billet d’avion pour rentrer à la maison », se plaint un autre. Cependant, ils n’ont guère de choix et gagnent toujours trois fois plus que dans leur pays d’origine.
Les quatre hommes, réticents à révéler leur nom par crainte de perdre leur travail, sont le reflet de la nouvelle réalité quotidienne du marché du transport routier en Europe : des chauffeurs non européens, travaillant dans des conditions difficiles pour des entreprises enregistrées en Europe centrale et effectuant les livraisons dans les pays d’Europe occidentale.
Edwin Atema, un ex-camionneur néerlandais et fondateur de Road Transport Due Diligence (RTDD), s’inquiète de l’exploitation choquante des chauffeurs. Il relate l’histoire d’un chauffeur philippin rencontré par son équipe qui avait passé trois ans à vivre dans son camion.
Après l’élargissement de l’Union européenne à huit pays d’Europe centrale et orientale le 1er mai 2004, 20 ans plus tôt, Atema avait déjà perçu la menace du dumping social qui dégradait l’environnement de travail dans son secteur. Les chauffeurs qui venaient sur le marché étaient alors majoritairement polonais, hongrois ou lituaniens.
Alarmé par leurs conditions, Atema crée la RTDD qui parcourt les airs d’autoroute à travers l’Europe pour défendre les droits des chauffeurs routiers. À cause de la masse croissante de chauffeurs immigrés d’Asie centrale, il a dû engager des personnes parlant le russe, langue commune à tous ces anciens citoyens de l’ex-Union soviétique. Atema note une dégradation significative des conditions de travail, pire qu’il y a 20 ans, quand il a commencé à s’alarmer. Une grande partie de cette histoire reste à découvrir pour les abonnés.
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