François-Xavier Devetter, un enseignant-chercheur en économie basé à l’Université de Lille, a collaboré avec Emmanuelle Puissant et Annie Dussuet pour écrire le livre « Aide à domicile, un métier en souffrance » (Editions de l’Atelier, 2023). Devetter discute de la formation progressive du secteur d’aide à domicile et des défis contradictoires auxquels il a été confronté.
Dans leur livre, ils abordent un secteur comparé à un « château de cartes » qui est maintenu en place uniquement grâce à l’engagement des professionnels. Qu’est-ce qui a causé cette structuration complexe et précaire ?
Le secteur de l’aide à domicile est ambigu de par sa nature, car il est la fusion de deux histoires différentes : celle du travail domestique et celle du secteur médico-social. Cette situation a débuté dans les années 2000. D’un côté, l’allocation personnalisée d’autonomie (2001) a permis à tous les individus âgés qui en avaient besoin d’accéder à des services d’accompagnement. De l’autre côté, la loi de modernisation de l’action sociale (2002) a classé le secteur de l’aide à domicile comme relevant du domaine médico-social. Les associations concernées ont ensuite été soumises à autorisation et tarification. Ces étapes ont constitué deux grandes avancées visant à structurer le secteur et à professionnaliser le personnel via la création du diplôme d’auxiliaire de vie.
Cependant, cette progression a été complètement renversée par la loi Borloo sur les services à la personne en 2005. Cette loi a ouvert la voie à la concurrence en incluant le secteur médico-social, un scénario évité par des pays comme la Belgique et la Suède qui ont maintenu une séparation entre les services pour personnes âgées et les services à la personne. Quels impacts cette ouverture au secteur commercial a-t-elle générés ?
Nous sommes confrontés à deux approches diamétralement opposées. Le but du plan Borloo est de générer rapidement des emplois non spécialisés dans un environnement de taux de chômage élevé. Il doit satisfaire une demande solvable, accomplir des tâches domestiques pour des clients bien nantis. C’est le lieu qui définit l’activité. Les aides à domicile se retrouvent entre les femmes de ménage, les jardiniers, les gardiens d’enfants, les tuteurs scolaires.
C’est complètement différent de l’approche médico-sociale, qui est définie par le public cible – des individus vulnérables – et par la réponse à un besoin spécifique, ce qui rapproche davantage ce secteur du domaine de la santé.
Dans une approche de rentabilité, il est important d’accomplir des tâches spécifiques en un minimum de temps. En revanche, dans une approche axée sur la réponse aux besoins, prendre soin d’une personne vulnérable signifie prendre le temps de ne pas la bousculer et d’être à son écoute. Les autorités publiques n’ont jamais tranché entre ces deux modèles.
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