L’espace est décoré à la plus simple expression. On y trouve un hangar situé dans une zone un peu isolée de Tourcoing, des tables surchargées de paquets, une balance et une énorme poubelle noire pour peser ce qui est nécessaire. Voici, en somme, l’ambiance à Colis perdus Tourcoing, lancé en avril par Gwendoline Ramon-Sanchez, ancienne préparatrice de commandes et éleveuse de chiens qui croit avoir déniché une niche lucrative. Ici, l’achat est réalisé à l’aveuglette, ou, plus précisément, on « touche-palpe » les paquets achetés en ligne et qui ne sont jamais parvenus à leur bénéficiaire. Gwendoline, la maîtresse des lieux, garantit qu’on peut y dénicher d’excellentes opportunités, certains chanceux auraient même mis la main sur un ordinateur, une smartwatch ou un smartphone. C’est le bruit qui court et c’est la clé du succès de ce nouveau genre de commerce qui émerge à travers la France.
En ce samedi d’avril, Joris initie son ami Paul. « J’ai déjà participé à des ventes similaires à Lille et à Paris. On doit compter sur sa chance ici », dit Joris. Il affirme avoir déjà trouvé une paire de lunettes de soleil de marque Gucci qu’il montre fièrement. Il en est certain, c’est une véritable griffe. Malgré son poids qui pourrait faire douter, il reste persuadé. Il guide Paul sur comment évaluer les articles pour essayer d’anticiper ce que renferme le paquet. « Pour le textile, c’est simple d’identifier, pour les autres produits, on se retrouve souvent avec une surprise. »
Ventes en série…
D’après les informations recueillies cet après-midi, la majorité des clients ont découvert l’existence de ce nouveau magasin grâce à Facebook. La propriétaire, Gwendoline Ramon-Sanchez, se fournit auprès d’un intermédiaire qui lui se ravitaille auprès d’un grossiste localisé en région parisienne. L’ensemble de ses produits est vendu à un tarif fixe de 14 euros le kilo. Depuis l’adoption de la loi AGEC (Agir contre le gaspillage pour une économie circulaire) en 2022, il est interdit de jeter ou d’envoyer à la décharge des produits invendus non alimentaires.
Des grossistes tels que Flamingo Box ou Destock Colis s’approvisionnent directement dans différents centres de tri européens. Ces centres stockent des colis laissés par des fournisseurs qui n’ont pas cherché à les récupérer. À noter que 80 à 90 % de ces colis proviennent de plateformes en ligne comme Shein ou AliExpress. Pour la plupart, il s’agit de vêtements de mode rapide (fast fashion) ou des gadgets que les acheteurs en ligne n’ont pas pris la peine de réclamer. Ils proviennent aussi d’erreurs d’étiquetage ou de paquets NPAI (n’habite pas à l’adresse indiquée). Ces colis sont alors revendus à des détaillants, soit au kilo, soit à la tonne, fournissant ainsi des ventes souvent éphémères même si aujourd’hui on voit des magasins permanents se créer.
Maxime avait prédit que trouver une paire de Nike serait comme une célébration. Malgré un trajet de 40 kilomètres pour essayer sa chance, il a malheureusement choisi un colis contenant des baskets d’une marque inconnue et qui n’étaient pas à sa taille. Son deuxième colis contenait un petit aspirateur et un bac à glaçon. Nordine, par contre, a eu la chance de trouver une clé USB compatible avec télécommande et un chargeur de vélo électrique. Il prévoit de revendre ces articles sur Leboncoin pour augmenter sa rentabilité. Une femme, qui avait fait le déplacement avec son fils, a opté pour deux colis. Pour une dépense totale de près de 60 euros, elle a trouvé un écran de protection pour mobile, deux chemises de velours et des chaussures de princesse d’argent de taille 35. Elle a ri en mentionnant qu’elle pourra vendre ces articles lors d’une vente de garage dans son quartier ce week-end. Une large portion de l’article reste à lire pour ceux qui sont abonnés.