L’un des buts principaux du projet de loi sur l’orientation agricole, présenté à l’Assemblée nationale le mardi 14 mai, est d’implémenter la souveraineté alimentaire de la France en tant que l’objectif primordial de la politique agricole, inscrit dans la loi. Suite aux protestations des agriculteurs plus tôt dans l’année, ce concept est devenu un symbole essentiel pour le gouvernement, et sera consacré en tant que principe stratégique fondamental dans le premier article du Code rural. Le projet de loi a même été rebaptisé « projet de loi d’orientation pour la souveraineté agricole et le renouvellement des générations en agriculture ».
Bien que le projet de loi ne donne pas une définition précise de la souveraineté alimentaire, il décrit son essence à travers une liste de politiques contributives, comme l’assurance de l’approvisionnement alimentaire, la préparation et l’adaptation face aux effets du changement climatique, et la contribution à la décarbonisation de l’économie. Cette liste a été significativement allongée lors de l’examen par la Commission des affaires économiques, passant de trois à quinze items, désormais incluant des aspects tels que l’amélioration du revenu agricole, la capacité de maintenir le renouvellement des générations, la préservation du modèle d’exploitation familiale, la lutte contre la décapitalisation du secteur de l’élevage, ou le développement des labels de production. Ce mélange hétérogène de points renforce l’idée que la souveraineté alimentaire peut être une notion passe-partout.
Le concept de souveraineté alimentaire, souvent confondu avec l’autosuffisance alimentaire ou l’équilibre commercial, est fréquemment invoqué par différents groupes ayant des idéologies gravement divergentes. Ce terme a été élaboré à la fin des années 1990 par le mouvement paysan international Via Campesina. Comme l’explique Morgan Ody, maraîchère du Morbihan et coordinatrice principale de Via Campesina, après l’établissement de l’Organisation mondiale du commerce en 1995, les nations défendaient l’argument que l’ouverture des marchés rendrait la nourriture plus abordable et aiderait les communautés en situation de pauvreté à se nourrir, un postulat contesté par le mouvement qui souligne que la majorité de ceux qui luttent pour se nourrir sont des paysans pauvres et que diminuer leur revenu ne les soutiendrait pas.
Le mouvement définit ensuite la souveraineté alimentaire comme la capacité d’un peuple à choisir sa nourriture et à déterminer le moyen de l’atteindre, tout en respectant ceux qui cultivent la terre et les ressources naturelles. Cette définition est reprise en opposition au libre-échange et a été adoptée et peaufinée par l’ONU lors de l’adoption d’une « déclaration sur les droits des paysans » en décembre 2018. Il convient de souligner que la France, comme de nombreux autres pays européens, s’est abstenue lors du vote.
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