Antoine Frémont, un géographe et professeur au Conservatoire national des arts et métiers, détenteur de la chaire Transports, flux et mobilités durables, plaide pour une sensibilisation accrue à l’égard du climat dans l’industrie maritime.
Qu’est-ce qui a provoqué l’éveil climatique dans le domaine maritime ? Tout comme dans le secteur aérien, un changement s’est produit lorsque le public a réalisé l’ampleur des émissions de CO2 en mer. Progressivement, la perception selon laquelle les navires pouvaient opérer à leur guise a commencé à changer. Cela évoque les marées noires. Des catastrophes importantes ont été nécessaires pour que, sous la pression publique, la législation change et mette les compagnies maritimes sous pression, notamment aux États-Unis et en Europe.
La totalité du secteur est-elle en cours d’évolution actuellement ? L’industrie maritime comprend parfaitement que si elle reste inactive, ce sera une catastrophe. C’est une remise en question fondamentale qui commence avec les entreprises les plus innovantes, tout comme dans le domaine aérien. Actuellement, ce sont les grandes compagnies de transport de conteneurs qui donnent l’exemple. Ils sont d’autant plus contraints de le faire que le public est informé des superprofits que ces sociétés réalisent depuis la fin de la pandémie de Covid-19. Cela est visible en France avec CMA CGM, le troisième armateur mondial, qui se diversifie dans l’acquisition de médias, ou au Danemark avec Maersk, désormais considéré comme un élément fondamental de l’économie mondialisée.
Quel est l’état réel des choses ?
Selon les recherches de la firme norvégienne DNV, le recours au fuel conventionnel est de moins en moins fréquent pour plus de la moitié des commandes de navires récentes. En revanche, parmi les alternatives proposées récemment, le gaz naturel liquide, qui est une énergie fossile, représente 40%. Par conséquent, nous sommes actuellement dans une période de transition car la transformation complète de la flotte ne peut pas se faire du jour au lendemain.
La précédente transformation technique majeure remonte au 19ème siècle, lorsque les navires à voile ont commencé à être remplacés par les bateaux à vapeur fonctionnant au diesel. Cette transition ne s’est pas faite du jour au lendemain, comme en témoignent les boutres à voile dans l’océan Indien qui continuent de transporter des marchandises. Lorsqu’un changement de cette envergure se produit, il y a toujours un chevauchement des technologies. Une nouvelle innovation ne remplace jamais complètement une technologie préexistante.
Y a-t-il une place pour l’Europe dans ce changement ? C’est une question intéressante. Les États-Unis semblent parier intégralement sur la technologie, en investissant massivement dans l’innovation grâce à leur politique pour lutter contre l’inflation, plutôt que de changer la réglementation. Pour l’Europe, la situation est différente, alors que la Chine parie sur un mélange des deux. Ce qui est certain, c’est que les carburants maritimes et aéronautiques exigeront une production massive d’hydrogène en amont. Cela nécessitera de produire une énorme quantité d’hydrogène vert donc d’électricité verte. C’est le nouvel enjeu majeur dans ce domaine.
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Ce type de mesure serait-il envisageable en France ?