« Une histoire unique est rapportée par Pierre-Alain Weill, rapporteur général de la Commission pour l’Indemnisation des Victimes de Spoliation (CIVS), dans ses conclusions finales du 25 juin 2015. C’est cette saga d’une famille juive, dont le protagoniste, Léon Siritzky, né sous le nom d’Israël Siroshkine en 1887 à Mykolaïv, un port du sud de l’Ukraine, a dû quitter son pays et redémarrer à zéro trois fois. Malgré ces défis, à chaque occasion, il a réussi à s’établir avec succès dans l’industrie cinématographique.
Serge Siritzky, l’un des petits-fils du dynamique entrepreneur, publie un livre intitulé « Le cinéma était leur pays » (Éditions Vérone, 242 pages, 19 euros), ce vendredi 3 mai, à l’âge de 79 ans. Il y dépeint la remarquable trajectoire de cette famille, parallèlement à l’évolution du cinéma à l’échelle mondiale, de Constantinople à Paris et New York. Le livre raconte aussi des hauts et des bas financiers dramatiques.
Un élément qui était resté méconnu est un tour de force étonnant de l’État français, découvert grâce à la CIVS. Cette commission a été créée en 1999 pour poursuivre le travail de la mission Mattéoli, qui avait été chargée d’étudier la spoliation des Juifs de France entre 1940 et 1944. »
Avant de prendre les commandes du troisième plus grand circuit de France en 1938, après Gaumont et Pathé, Léon Siritzky avait vécu de nombreuses aventures. Selon le magazine hebdomadaire La Cinématographie française, il possédait six des vingt-six cinémas d’exclusivité à Paris, les plus prestigieux à l’époque, car ils projetaient les films avant tout le monde et le coût des billets était le plus cher. Au total, le groupe possédait environ une vingtaine de ces cinémas à travers le pays, sans inclure les cinémas de deuxième exclusivité. Parmi les grands succès de l’époque, son circuit avait diffusé La Grande Illusion (1938), de Jean Renoir, qui avait été un succès à Paris, ainsi qu’Un carnet de bal (1937), de Jean Duvivier, et Le Quai des brumes (1938), de Marcel Carné.
Cependant, le renouveau de l’antisémitisme et l’occupation nazie forceront une fois de plus la famille à fuir. D’autant plus que Léon Sirtizky est le seul en 1939 à avoir choisi de diffuser Je suis un espion allemand, un film du réalisateur américain Anatole Litvak qui traite de la chasse aux espions nazis par le FBI, un choix de programmation audacieux. En septembre 1940, une ordonnance de la Propagandastaffel, l’organisation en charge de la propagande et du contrôle des médias et de l’édition française pendant l’occupation, ordonne la fermeture des cinémas appartenant à des Juifs. Un mois plus tard, un décret-loi leur interdit d’exercer certaines professions, dont celles du cinéma en particulier.
Pour lire le reste de cet article (74.59%), une souscription est nécessaire.
Laisser un commentaire