Le 19 mars dernier, Euronews a fêté en grande pompe le démarrage de sa nouvelle version à l’Albert Hall, un élégant complexe de style Art déco de 2 500 mètres carrés situé au cœur de Bruxelles. Son directeur général, Guillaume Dubois, cherche à faire oublier les multiples mois de troubles sociaux ayant troublé la chaine pan-européenne depuis son acquisition en 2022 par Alpac, un obscur fonds d’investissement portugais, ainsi que le changement de siège du groupe, de Lyon à la capitale belge. Ce changement a conduit à la disparition de 175 postes sur un total de 370 employés.
« Le 3 avril, une passation de pouvoir symbolique aura lieu dans la rédaction. Désormais, c’est Bruxelles qui prendra les décisions, et non plus Lyon », a déclaré ce Français lors d’un cocktail organisé pour marquer cette mutation vers un nouveau modèle, plus proche des organismes européens. « Nous allons offrir une couverture vaste, inédite et neutre des prochaines élections européennes [de juin] », a-t-il promis aux dignitaires présents, parmi lesquels se trouvaient Charles Michel, le président du Conseil européen, et Margaritis Schinas, le vice-président de la Commission européenne.
Est-ce qu’ils savent qui assume véritablement le coût des festivités ? Depuis la prise de contrôle d’Euronews, ses syndicats demandent inlassablement qui est à l’origine du financement de cette acquisition d’une chaîne d’information déficitaire auparavant sous la propriété du magnat égyptien Naguib Sawiris. La directrice adjointe, Bénédicte Bachs-Scherrer, leur a, une fois de plus, répondu lors d’un comité social et économique en 2023, qu’« en accord avec les règles », Alpac « n’a pas à dévoiler la liste » des participants à la levée de fonds de European Future Media Investment (EFMI) – une entreprise de capital-investissement établie spécifiquement à Lisbonne par l’entreprise portugaise pour soutenir l’achat.
Cependant, Le Monde, en association avec le site d’investigation hongrois Direkt36 et l’hebdomadaire portugais Expresso, peut maintenant avancer que des organisations liées au premier ministre hongrois, Viktor Orban, ont été massivement et discrètement engagées dans cette démarche. Des dossiers internes provenant du fonds d’investissement souverain hongrois Széchenyi obtenus par Direkt36 révèlent que cette institution publique a investi ainsi 45 millions d’euros dans EFMI. À cela s’ajoutent au moins 12,5 millions d’euros fournis par une entreprise de communication détenue par un proche de M. Orban.
La somme de 170 millions d’euros a été estimée comme le coût total pour financer une transaction. Un tiers de cette somme a été fourni par des fonds provenant de la Hongrie. Alpac avait prévu de compléter ce capital en émettant des obligations convertibles d’une valeur de 85 millions d’euros. Le rôle du pouvoir hongrois, resté secret jusqu’à présent, suscite des questions sur les véritables motivations derrière l’achat d’Euronews, fondée en 1993 pour rivaliser avec CNN, une chaîne américaine. Un document PowerPoint marqué comme « strictement confidentiel » du fonds Széchenyi indique clairement que l’une des intentions derrière l’acquisition d’Euronews, considérée comme la « septième marque la plus influente sur les politiques de l’UE », consiste à « diminuer le parti pris de gauche dans le journalisme ».
Pour lire le reste de l’article, soit 68,77%, il faut être abonné.
Laisser un commentaire