L’acteur britannique Idris Elba, connu pour ses rôles dans les séries The Wire et Luther, aspire à ajouter un titre supplémentaire à son CV : celui de créateur d’une ville écologique et intelligente sur une île de Sierra Leone. Son rêve est de construire une ville qui pourrait potentiellement changer l’image de l’Afrique, comme il l’a révélé lors d’une interview avec la BBC. Elba envisage une cité qui sera autonome, avec une économie autosuffisante et un fort potentiel de croissance.
Son partenaire, Siaka Stevens, est le petit-fils de l’ancien président sierra-léonais homonyme et il a également grandi à Londres, tout comme Idris Elba. Le duo affirme que la ville planifiée pourrait accueillir jusqu’à un million de résidents et de nombreuses entreprises. L’emplacement choisi est Sherbro, une île de 600 kilomètres carrés à deux heures en ferry de la côte, où vivent actuellement environ 40 000 personnes, principalement de la pêche, de la culture du riz et du tourisme.
Ce projet audacieux suscite l’intérêt car il est prévu pour être mis en œuvre dans l’un des pays les plus pauvres du monde. Selon Siaka Stevens, Sherbro Island pourrait jouer un rôle similaire à celui de Hongkong vis-à-vis de la Chine dans le marché ouest-africain. Le principal atout de ce projet est sa « structure de gouvernance unique », basée sur un partenariat entre le secteur public et le secteur privé avec l’État sierra-léonais.
L’idée est de convertir l’île en une région économiquement spéciale, soutenue par un mécanisme juridique et économique spécifique et supervisée par le secteur privé. Des entités comme l’assureur Lloyds du Royaume-Uni, les firmes d’étude Sasaki et Frost & Sullivan, et le producteur d’énergie européen, Octopus, qui envisage d’établir un parc éolien et solaire sur l’île, ont déjà rejoint le projet. Le budget total pour l’initiative n’a pas encore été déterminé et le calendrier reste vague. Néanmoins, les initiateurs ambitionnent de réaliser les premiers projets touristiques d’ici cinq ans.
Siaka Stevens est optimiste que la smart city et son potentiel économique, y compris un port maritime et un aéroport futur, attireront les membres de la diaspora. « Beaucoup d’entre eux sont prêts à rentrer, mais ils trouvent souvent le pays trop difficile pour y vivre et travailler. L’île Sherbro pourrait leur offrir un environnement approprié, tout comme pour les multinationales qui bénéficieraient d’exemptions fiscales et de nombreux avantages réglementaires. » Tout en mettant en évidence la position stratégique de l’île dans le golfe de Guinée, des interrogations subsistent concernant son isolement par rapport aux autres grands centres urbains.
Au cours des quinze dernières années, l’Afrique a été le théâtre de nombreux projets ambitieux de construction de nouvelles villes. Cependant, nombre d’entre eux n’ont pas vu le jour. Par exemple, Akon City, une ville futuriste au Sénégal promue par le rappeur américain-sénégalais Akon, n’a pas encore commencé sa construction. Le projet, dont le coût est estimé à 6 milliards de dollars et dont l’esthétique s’inspire du royaume fictif du Wakanda dans les films Black Panther, aurait dû être achevé fin 2023.
D’autres projets comme Hope City, un technoparc prévu pour être construit en 2016 près de la capitale ghanéenne, Accra, n’ont également jamais été concrétisés. De même, Konza Technopolis au Kenya, une ville intelligente dédiée à l’innovation, progresse à un rythme très lent.
Sina Schlimmer, chercheuse à l’Institut français des relations internationales, note que ces projets sont souvent abandonnés après la construction de quelques infrastructures ou que la réalité sur le terrain est très différente des objectifs initiaux. Selon elle, bien que la construction d’un centre urbain soit une tâche difficile, ces projets de nouvelles villes sont souvent présentés avec un certain sens de l’urgence, particulièrement par les États qui souhaitent démontrer par leur intermédiaire leur ouverture à l’économie internationale.
Pour autant, comme cette experte en urbanisation l’indique, les termes « ville intelligente » ou « ville nouvelle » sont utilisés pour décrire des projets qui présentent des philosophies différentes. Et le projet de l’île de Sherbro s’inscrit clairement dans une perspective à long terme, les initiateurs parlant d’un processus qui pourrait s’étendre sur des « décennies ».
« Il est indispensable de trouver de nouvelles solutions pour répondre à l’urbanisation rapide du continent », affirme Kurtis Lockhart, directeur de l’Institut des villes chartes, une organisation américaine qui soutient la création de centres urbains dans les pays en développement. En Afrique, la population des villes double tous les vingt ans. « Cependant, les municipalités existantes ont des ressources financières et techniques limitées, ajoute l’expert. Une ville nouvelle impliquant le secteur privé et bénéficiant à la fois d’une certaine indépendance et du soutien des autorités pourrait être une solution intéressante. »
La question reste de savoir si l’île de Sherbro deviendra, comme le prédit Siaka Stevens, « la première ville bien planifiée du continent ». Ou si cette « écocité africaine dynamique et internationale », comme il la décrit, demeurera à son tour au stade de l’utopie urbaine.
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