Jean-Charles Naouri, un acteur majeur du capitalisme français, prend sa retraite de manière discrète. Le mercredi 27 mars, à l’âge de 75 ans, il cessera d’être le propriétaire et le PDG du Groupe Casino. Certains refusent d’accepter la réalité, espérant contre toute attente un revirement de situation, tandis que d’autres, ne retenant pas leurs critiques, attendent anxieusement la suite des évènements.
« La disparition de l’édifice était inévitable directement proportionnelle à sa transformation en dentelle de Calais au fil des années. La succession des crises, des « gilets jaunes » à la pandémie, l’augmentation des taux d’intérêt et l’inflation ont contribué à cette chute. Les problèmes se cachaient derrière un épais voile de fumée, mais étaient plus perceptibles de l’intérieur, » révèle un ancien cadre de Casino sous couvert d’anonymat. Une douzaine d’anciens dirigeants interrogés par Le Monde confirment cette peur persistante envers M. Naouri, même en déroute.
Après une importante restructuration financière mercredi, un consortium dirigé par l’homme d’affaires tchèque Daniel Kretinsky, associé à Marc Ladreit de Lacharrière, fondateur de Fimalac, et au fonds de dette britannique Attestor, récupérera 52% du capital de Casino en échange d’un investissement de 925 millions d’euros. A cause d’une dilution massive, Rallye – la société mère de Casino dirigée par M. Naouri – verra sa participation réduite à 0,1%. « Le Mozart de la finance est devenu le moineau de la finance », se moque amèrement un représentant de la CGT de Monoprix dans une vidéo publiée sur X. « Et aujourd’hui, c’est à nous, ses employés, de payer ses dettes », alors qu’un plan social est à prévoir.
En s’appuyant principalement sur ses marques françaises comme Monoprix, Franprix, Petit Casino, Vival et Cdiscount, le groupe employait environ 44 000 personnes à la fin de l’année 2023 avant de céder ses hypermarchés et supermarchés en France, réduisant le nombre d’employés nationaux à 28 200. À son apogée en 2015, le groupe fondé par le « Napoléon des étagères » comptait plus de 325 000 employés et s’étendait du Vietnam au Brésil.
L’ancien inspecteur des finances et ancien directeur de cabinet de Pierre Bérégovoy au ministère de l’économie et des finances (1984-1986) a réussi à augmenter la taille de l’entreprise grâce à des acquisitions, en utilisant sa propre intelligence et son répertoire de contacts.
Pour financer ces acquisitions tout en maintenant le controle majoritaire du groupe, il a appliqué l’approche des holdings en cascade (un modèle référé par Vincent Bolloré sous le nom de « poulies bretonnes ») qui consiste à empiler les investisseurs minoritaires et les dettes. Bien que cette approche d’endettement ait finalement conduit à sa perte, il n’a pas abandonné sans se battre.
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