« Qu’est devenu la clientèle? » se demande Chantal Haddad dans son salon de coiffure de proximité, niché près de la gare de l’Est parisienne. Elle est préoccupée par l’absence croissante des jeunes femmes et des dames plus âgées. « C’est incroyable à quel point la profession a évolué. Auparavant, nous étions constamment en activité et j’étais en mesure de gagner ma vie dès le premier mois d’ouverture en 1991, » partage la propriétaire de 55 ans de Chantal B. Coiffure. Siham Ouchaanoun, entrepreneur de 45 ans, propriétaire de cinq centres Body Minute dans le Nord-Pas-de-Calais, espère quant à elle que les gens se lasseront bientôt d’économiser et reprendront leurs habitudes d’autrefois.
La même observation prévaut dans de nombreux salons de coiffure et instituts de beauté : les Français se font plus rares ou ne fréquentent plus aussi assidument ces lieux. Un véritable coup pour ces espaces, alors que les dépenses et les coûts ont grimpé avec l’inflation et que le moment est venu de s’acquitter des dettes liées au Covid-19. Cette combinaison explosive a conduit à une vague inédite de faillites, avec un pic de 1 800 échecs enregistrés dans ces deux secteurs d’activité en 2023. « Actuellement, environ 2 000 établissements de coiffure sont encore en difficulté, avec un risque élevé ou très élevé d’insolvabilité à court terme », met en garde Thierry Millon, directeur des études chez Altares D & B, un leader mondial des données sur les entreprises.
L’Institut Xerfi a prédit un record alarmant qui confirme les perspectives négatives d’une baisse des revenus dans le domaine de l’esthétique (-3%) et d’un ralentissement de la croissance dans le secteur de la coiffure (+3%) d’ici 2023. Selon l’Insee, l’augmentation des tarifs dans ces deux secteurs (+3,7% en moyenne par an) n’a pas réussi à reconstruire les marges compte tenu de la forte concurrence ; de nombreuses microentreprises opérant dans ce secteur. Régine Ferrère, présidente de la Confédération nationale de l’esthétique et de la parfumerie, souligne que la réalité est dure à accepter. Il est évident que les modes et niveaux de consommation dans le secteur de la beauté ne reviendront pas à ceux de 2019. Il est temps de se poser la question de savoir comment rendre nos établissements attrayants.
Avant même l’inflation qui a entraîné une augmentation des coûts de la nourriture, des transports et du chauffage, 92% des Français, sondés par Harris Interactive en 2018, estimaient que les salons de coiffure et les centres de beauté étaient chers. Par conséquent, ces services n’ont pas bénéficié de l' »effet dopamine » associé aux cosmétiques qui sont considérés comme un luxe abordable en temps de crise économique, selon la théorie du « lipstick index ». La hausse des ventes de rouge à lèvres pendant la récession de 2001 a inspiré cette théorie quelque peu controversée à Leonard Lauder, PDG du groupe américain Estée Lauder.
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