Jean-Yves Le Drian, âgé de 77 ans, a été nommé à la direction d’Afalula en juillet 2023, l’agence française responsable du développement du site d’Al-Ula en Arabie Saoudite. Bien qu’il ait parfois du mal à se souvenir des noms des villages qui forment cet immense cimetière nabatéen situé au nord-ouest du pays, il comprend parfaitement les enjeux en jeu sur ce site pittoresque. Le Drian, figure importante de la politique française ayant passé une décennie à façonner l’influence du pays à l’international, a servi sous François Hollande en tant que ministre de la défense puis occupé un poste aux affaires étrangères aux côtés d’Emmanuel Macron, qui l’a nommé « émissaire spéciale » pour le Liban en juin 2023, bien que ce dernier sujet n’ait pas été discuté lors de notre rencontre.
En tant qu’ancien chef de la diplomatie, Le Drian a assisté à la signature de l’accord bilatéral entre la France et l’Arabie Saoudite pour le développement d’Al-Ula en 2018. Ce projet s’insère dans le programme de réformes Vision 2030, initié par le prince héritier Mohammed Ben Salman, alias « MBS », qui souhaite valoriser l’historique préislamique du royaume, jusqu’ici omise des manuels, afin d’édifier une nouvelle narration nationale. MBS envisage de transformer Al-Ula en un centre culturel et touristique phare, abritant des musées, des festivals, des résidences d’artistes, des hôtels, un tramway, et autres, dans le but de redorer l’image du royaume, ternie par un désastreux bilan en matière de droits de l’homme et une répression omniprésente, atteignant son apogée en 2018 avec l’assassinat brutal du journaliste Jamal Khashoggi.
Avant la finalisation du traité, le royaume wahhabite avait déjà établi la Commission Royale pour AlUla (RCU) pour superviser le projet de développement. La création d’Afalula, une entité française entièrement soutenue par des capitaux saoudiens et initialement dirigée par l’ex-directeur d’Engie, Gérard Mestrallet, a conduit à un effort conjoint entre les deux organisations. À première vue, leur coopération semblent sans faille. En février 2023, Afalula, dont le somptueux bureau parisien se trouve à proximité de l’ambassade de l’Arabie saoudite en France, a vu son allocation annuelle doublée pour atteindre 60 millions d’euros.
Une volte-face politique et diplomatique
Cependant, les tensions ont augmenté en coulisse, notamment avec la pléthore de consultants anglo-saxons au sein de la RCU et avec son ancien président, Amr Al-Madani, qui a été arrêté pour détournement de fonds en janvier. En France, comme en Arabie saoudite, de nombreux questionnements se posent sur l’efficacité et pire encore, sur la crédibilité de cet instrument qui désormais peur pour son existence. « Afalula est devenue une simple agence de voyages pour les professionnels français en quête de contrats, sans impacter les relations franco-saoudiennes », déclare une personne familiarisée avec les affaires saoudiennes.
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