Selon l’opinion du « Monde », voici un film à ne pas manquer. Emanuel Pârvu, un réalisateur largement méconnu dans nos contrées, a fait ses débuts à Cannes en mai, à 45 ans, avec son troisième long métrage qui est largement inspiré par l’oeuvre de Cristian Mungiu – un réalisateur dont il a déjà été comédien – reconnu pour son réalisme perçant et sa capacité à faire ressortir les aspects les plus sombres de la Roumanie, autant les détails insignifiants que les fléaux majeurs, trop souvent dissimulés. On ne peut s’empêcher de souligner à quel point il est courageux, mais potentiellement risqué, pour Pârvu de vouloir se placer dans les pas de Mungiu, le lauréat de la Palme d’or lors du festival de Cannes en 2007 pour son film Quatre mois, trois semaines, deux jours – un récit profondément marquant d’une étudiante cherchant à avorter lors des derniers jours du régime de Nicolae Ceausescu.
Le film de Pârvu est situé dans le delta du Danube, une région singulière et idyllique, isolée et préservée du monde extérieur, qui cache un écosystème unique en son genre. Ce que le film met en lumière, c’est le contraste flagrant entre cet environnement naturel remarquable et la situation psychosociologique beaucoup moins enviable de ses habitants. Le film commence de nuit et dépeint deux adolescents enlacés dans une étreinte passionnée. Une scène plus tard, sous la lumière crue de la cuisine familiale, on se rend compte que l’un d’eux, Adi, a le visage sérieusement meurtri. Le film nous révèle que dans l’interval, Adi a subi une agression homophobe. Ce qui s’ensuit est l’histoire de l’enquête qui, à travers une série de peurs et de lâchetés, nous conduit plus à un déni de la vérité qu’à sa révélation. Les déséquilibres dramatiques ne manquent pas.
Dans une société où tous les individus jouent leur rôle comme ils pensent devoir le faire, une vérité est rapidement dissimulée au sein du récit. Tous sont complices dans l’isolement d’Adi, volontairement ou non, dans le but de protéger leur réputation face au déshonneur qui ne tarderait pas à toucher en premier lieu les parents, mais également les autorités, impactant ainsi la sérénité et le respect de ce lieu de vacances. Les parents sont plus préoccupés par leur image publique que par le bonheur de leur fils. Le chef de police, songeant à se retirer prématurément, est désireux de clore le dossier car il est sous l’influence d’un puissant personnage local, père des deux jeunes qui ont agressé Adi. Enfin, le prêtre exorciste incarne une puissance obtuse issue d’un obscurantisme ancestral.
Comme s’ils venaient d’un autre monde, l’intervention inattendue des services sociaux de l’Etat, sollicités par le jeune homme, relance temporairement une intrigue qui semble tourner en vase clos. Ce scénario est conçu pour maximiser le contraste entre la douceur ensoleillée et venteuse de la région et les turpitudes humaines rampantes qui se cachent dans cette nature idyllique.
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