Miséricorde! Ce titre inattendu affiche le dernier long-métrage du cinéaste extraordinaire Alain Guiraudie, originaire d’Aveyron. Au cours de sa carrière de 35 ans, au fil d’une douzaine de films de durées variées, il a choisi de s’attacher au désir et à ses expressions iconoclastes.
Depuis son succès majeur en salles, L’Inconnu du lac (2013), une œuvre Apollinienne qui explore la séduction près du lac, Guiraudie nous a livré deux beaux films, Rester vertical (2016) et Viens je t’emmène (2022). Ces œuvres étaient cependant teintées d’ombre, plongées dans une atmosphère d’anxiété et d’incertitude par rapport à l’époque.
En parallèle, Guiraudie a poursuivi son voyage dans la littérature avec la publication de l’imposant roman Rabalaïre (P.O.L, 2021) de plus de mille pages, écrit en occitan, ainsi que sa suite Pour les siècles des siècles (P.O.L, 2024). L’impact de ces romans est visible dans Miséricorde, non seulement parce que son intrigue tire son origine d’un épisode de Rabalaïre (comme c’était le cas de Viens je t’emmène), mais aussi par son style d’écriture fluide qui nous guide subtilement vers des sentiers sombres et inquiétants. Ces profondeurs insondables sont abordées avec une tension progressive.
Dans le petit village de Saint-Martial, c’est le boulanger unique qui est enterré sous un ciel automnal, marquant un début plutôt sombre. Après une longue période d’absence, le charmant jeune homme Jérémie (Félix Kysyl) revient pour assister aux funérailles. Bien que sa relation avec le défunt reste vague, on découvre qu’il a été son apprenti et a partagé une amitié étroite avec son fils, Vincent (Jean-Baptiste Durand).
Déconcertant comme un Ange Pasolinien, le revenant s’installe chez Martine, la veuve (Catherine Frot), suscitant la colère de Vincent, suspectant Jérémie d’avoir des intentions romantiques envers sa mère. Jérémie prolonge sa visite, retrouve de vieux amis, mais Vincent, de plus en plus indigné, continue de le menacer. C’est alors qu’une tragédie survient: un corps disparaît, mettant Jérémie dans une situation extrêmement délicate. Heureusement pour lui, il reçoit le soutien inattendu d’un prêtre (Jacques Develay), une vieille éminence ecclésiastique qui n’a pas l’air impressionnant mais déborde d’affection pour lui.
Au lieu d’être simplement un décor, le village se révèle comme une petite bulle de fiction : c’est dans ses limites que se dévoilent différents personnages, et c’est là où les mouvements mystérieux de Jérémie, le héros nomade, gravitent autour de tous pour être ensuite encerclé. Dans cette zone confinée, général et spécifique sont confondus : bien que les personnages soient des stéréotypes locaux digne d’une bande dessinée (le prêtre, la veuve, l’agriculteur potelé), Guiraudie leur donne une singularité grâce à son sens unique pour un casting diversifié – l’innocence suspecte de Félix Kysyl et le visage sérieux de Jean-Baptiste Durand, le jeune réalisateur du film « Chien de la casse » (2023), jusqu’à un duo hilarant de policiers enquêteurs.
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