Choisir l’incroyable histoire à multiples facettes des Mille et Une Nuits comme base pour son premier opéra est un véritable challenge. C’est un risque que le chorégraphe Sorour Darabi a pris sans hésiter. Il revisite cet ouvrage immortel en habillant Shéhérazade, la narratrice à l’éloquence inépuisable, avec des drapeaux symbolisant diverses revendications. « Pour moi, Shéhérazade a une identité queer, » déclare-t-il. Cette lecture moderne de son personnage peut être appréhendée sous différents angles : son défi aux conventions traditionnelles à travers l’usage de son intelligence et de sa ruse pour contrecarrer l’autorité du roi, la variété et la fluidité des rôles qu’elle emprunte dans les récits qu’elle partage, sa résistance au patriarcat…
Fraîchement arrivé sur la scène chorégraphique, Sorour Darabi est originaire de Chiraz, en Iran. Il a initialement suivi des études en mathématiques, avant de se tourner vers la musique, plus précisément le violon, à l’âge de 17 ans. Un an plus tard, il se lance aussi dans la pratique de la danse contemporaine : il a collaboré avec l’association ICCD et présenté ses premiers travaux lors du festival Untimely à Téhéran. Face à un environnement difficile où « la danse et la chorégraphie sont des activités proscrites et réprimées en Iran, » Sorour Darabi décide de passer l’audition pour l’école Exerce au Centre chorégraphique national de Montpellier, où il est accepté en 2013. Depuis, il bénéficie régulièrement du soutien du festival Montpellier Danse, qui est dirigé par Jean-Paul Montanari et qui a exposé toutes ses œuvres, y compris Mille et une nuits, en juin.
Sorour Darabi, un transgenre connu pour ses solos tels que Farci.e (2016), centré sur le trouble et l’identité de soi, et Savusun (2018), qui s’immergeait dans une cérémonie de rituels chiites iraniens, prend un virage ambitieux avec son dernier travail. Cet opus, qui s’engage politiquement et essaie de déconstruire l’idée d’une hétéronormativité, est sa première tentative d’une pièce de groupe mettant en scène huit performeurs.
En 2022, une de ses performances au Palais de Tokyo appelée From the Throat to the Dawn a établi des liens avec Les Mille et une nuits en mettant en évidence Shéhérazade. Shéhérazade, rappelle-t-il, n’est pas simplement un moyen de raconter des histoires, mais une figure avec des désirs et un corps qui a une relation d’affection et de guérison avec le roi. Plus que tout, en imaginant de nouvelles narrations, elle résiste à l’injustice pour éviter la mort chaque matin. La performance s’étendait une partie de la nuit, de 20h jusqu’à 2h du matin.
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