La célèbre œuvre Wozzeck d’Alban Berg (1885-1935), retrouve les feux de la rampe à l’Opéra de Lyon, deux décennies après sa dernière représentation. Ce spectacle ouvre la nouvelle saison et sa diffusion se poursuivra jusqu’au 14 octobre. L’opéra, qui se déroule en trois actes et dont la durée excède à peine une heure et demie, est basé sur l’œuvre inachevée de Georg Büchner, Woyzeck. Sous une apparente simplicité, une intrigue banale se déroule : une jalousie ordinaire sur fond de tension sociale. Informé par son commandant et un docteur manipulateur que son épouse Marie est infidèle avec le Tambour-Major de la caserne locale, le soldat Franz Wozzeck succombe à la folie et assassine sa femme avant de se donner la mort.
Submergé par la pression de ceux qui dominent sa vie professionnelle et sentimentale, cet homme égaré, confronté à des hallucinations teintées de rouge, commet l’inconcevable sans vraiment saisir ce qui lui arrive. Cette énigme a inspiré de multiples mises en scène, qui tirent parti ou non de l’esthétique de l’époque d’origine (l’expressionnisme) ou du contexte de création en 1925 (Berlin). Richard Brunel, qui dirige l’Opéra de Lyon depuis 2019, propose une vision très personnelle, basée sur une lecture détaillée des instructions scéniques et des dialogues. Sa compréhension de l’œuvre n’est jamais en décalage avec le texte, même si cela peut parfois simplifier le contexte à son plus strict minimum.
Il n’existe pas de « lune rouge » autrement que dans l’imagination surnaturelle du personnage principal, ni de lac où le meurtrier peut dissimuler l’arme du crime. Seul un humble évier dans lequel nettoyer le couteau taché de sang. En réalité, le plateau, brillamment éclairé par Laurent Castaingt, représente plus significativement un univers interne, dont la consistance est maintenue dans la durée tout comme celle présentée dans la composition musicale des souvenirs et pressentiments.
Nous sommes conscients qu’Alban Berg a conçu la structure dramaturgique de son opéra sur les formes musicales (la passacaille, le scherzo, etc.). À l’image du troisième acte qui reprend dans chaque scène la forme de l’invention (« Invention sur un thème », « Invention sur une note », « Invention sur un rythme »…), la mise en scène de Richard Brunel peut être définie comme « Invention sur un livret ». Au début, l’approche suscite quelque perplexité. Le fameux « Langsam, Wozzeck, langsam » (« Doucement, Wozzeck, doucement ») qui débute l’opéra n’est pas un appel à la prudence du Capitaine au soldat en train de le raser, mais un essai pour modérer l’empressement (« Doucement ! ») de celui qui n’a pas été sélectionné parmi quatre prétendants pour une expérience médicale qui deviendra le cadre de l’opéra.
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