« N’oubliez pas de regarder le documentaire diffusé sur ARTE le dimanche 6 octobre à 00 h 10 qui rend hommage à une figure incontournable de la musique moderne du XXe siècle – Arnold Schönberg. René Dumesnil, dans son article du Monde daté du 17 juillet 1951, faisait référence à cette citation de Schönberg (qui a changé l’orthographe de son nom après sa naturalisation américaine en 1940) : « J’ai tenté de créer de la musique conventionnelle, cependant chaque fois, malgré moi, c’est en échouant que mon œuvre a pris une tournure inhabituelle. Tout à fait compréhensible l’auditeur qui répugne à apprécier une musique que même le compositeur n’avait pas l’intention d’écrire ! » Schönberg vient de s’éteindre à Los Angeles (États-Unis) quatre jours avant la publication de cet article.
Le documentaire d’Andreas Morell, diffusé sur Arte, offre une vision admirable et détaillée de la vie du compositeur Schönberg, un homme connu pour son autodérision, ses paradoxes et son sens de l’humour unique. On raconte par exemple qu’en parlant de ses parties de tennis avec ses nouveaux voisins à Los Angeles, il aurait dit : « Tout se passe à merveille… Jusqu’à ce qu’ils entendent ma musique… ».
En effet, Schönberg a sans doute été le plus grand déstabilisateur des fondations de la musique tonale. Tout d’abord, il a introduit l’atonalité, qui déstabilisait l’harmonie classique – bien qu’il ne soit pas le premier à le faire, Franz Liszt ayant déjà ouvert la voie en ce sens. Ensuite, il a développé le système dodécaphonique, qui a complètement restructuré l’ordre mélodique et harmonique.
Pour certains modernistes, Schönberg est considéré comme le sauveur de la musique qui était sur le déclin dans un postromantisme nocif. Cependant, pour d’autres, dont le compositeur américain John Adams (né en 1947) par exemple, il est celui qui a provoqué pour la première fois un détachement du grand public envers la musique contemporaine. »
Arnold Schönberg, un visionnaire infatigable et indéniablement brillant, a toujours été une figure centrale dans la musique avant-gardiste, même quand ses compositions étaient considérées comme hérissantes et rébarbatives. L’exemple le plus frappant est ses immenses Variations op. 31 (1926-1928) pour orchestre, qui malgré leurs dissonances, ne demandent qu’à être appréciées avec respect. Comme Schönberg le disait lui-même, « Ma musique n’est pas moderne, elle est simplement mal jouée ».
Dans son documentaire sur Schönberg, Andreas Morell, réalisateur prolifique et hétéroclite, donne un aperçu détaillé de la vie du compositeur. Il explore aussi Schönberg en tant que peintre – un domaine dans lequel son talent était moins indiscutable – et retrace son parcours de ses premières compositions traditionnelles à ses travaux plus complexes.
Morell examine également les hauts et les bas de la vie personnelle de Schönberg, y compris ses mariages, ses lacunes financières, son passage à la foi protestante dans une Vienne fortement antisémite, puis son retour à la « communauté d’Israël » à Paris en 1933, avant d’être contraint à l’exil aux États-Unis.
Le film met en lumière certaines de ses compositions politiquement chargées. Notamment, l’Ode à Napoléon Bonaparte op. 42 (1941), dont le texte de Byron pouvait être facilement interprété comme une allusion à Adolf Hitler. Et en 1947, Schönberg compose Un survivant à Varsovie op. 47, une œuvre percutante dédiée à l’Holocauste, que l’érudit musical Milan Kundera a qualifiée dans son essai Une rencontre (Gallimard, 2009) comme étant « le plus grand monument que la musique ait dédié à l’Holocauste ».
« Divers talents et talents variés » est une façon de résumer la vie et l’héritage de Schönberg.
Un survivant de Varsovie présente son récit terrifiant mais émouvant de la Shoah, exprimé dans le style Sprechgesang, popularisé par Schönberg dans son célèbre Pierrot Lunaire (1912). Selon le compositeur, sa cantate envoie « un message aux Juifs: ne jamais oublier ce qui nous a été fait ». Une composition est représentée par l’acteur franco-allemand, Dominique Horwitz, qui sur scène, joue Schönberg en tant que Juif errant et revenant.
Les descendants d’Arnold Schönberg sont toujours en vie, y compris sa fille aînée, Nuria Schönberg-Nono (92 ans), veuve du compositeur italien Luigi Nono. Comme gardienne du temple, elle parle de la mémoire et de la culture de son père. Ses fils (87 et 83 ans) relatent comment leur père, qui avait une passion pour le tennis, leur donnait des leçons et rédigeait des rapports détaillés sur les coups et les points.
Une partie fascinante du documentaire revient sur les nombreux talents additionnels de Schönberg (comme le projet d’un brevet pour une machine à noter la musique, des dessins de cartes à jouer originales, etc.) et ses obsessions de restructuration (comme de nouvelles règles pour la priorité aux carrefours ou l’évacuation en cas d’alerte, etc.). Ce n’est pas surprenant venant de celui qui a déconstruit et réaménagé la langue de la musique à sa manière.
Arnold Schoenberg, le visionnaire infatigable, d’Andreas Morell (Allemagne, 2024, 90 min). Disponible sur Arte.tv jusqu’au 4 novembre.
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