Catégories: Culture
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5 octobre 2024 18 h 44 min

Arte : Eudaldo Morales et l’arbre

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« ARTE – SUR DEMANDE – DOCUMENTAIRE

Le documentaire commence par la révélation d’une maison négligée localisée au bord de la Loire, son toit partiellement effrité et entièrement recouvert de lierre. Malgré le chaos apparent, l’intérieur est remarquablement préservé sous une couché de poussière et de toiles d’araignée, suggérant que les habitants ont quitté les lieux de façon précipitée, laissant tout derrière eux. Le contenu abandonné comprend du matériel d’artiste, comme un chevalet et des pinceaux, des sculptures de style précolombien, des lettres majoritairement écrites en espagnol et des négatifs de photographies.

Équipé de ces indices et du témoignage d’une voisine qui s’avérera finalement être bien plus qu’une simple connaissance, Benjamin Delattre entreprend de retrouver l’artiste qui résidait dans cet endroit, le chilien Eudaldo Morales (1914-1987). Les bibliothécaires des grands musées latino-américains ne parviennent pas à se rappeler de lui.

Il a pourtant eu une présence remarquée dans la presse lors d’une série d’expositions entre 1938 et 1948 à travers le continent. Il a été photographié aux côtés de Pablo Neruda et Victor Carvacho, un critique chilien, lui a dédié plusieurs articles, affirmant que son art révélait un style national grandissant. Sa collection de peintures surréalistes de l’époque, pleines de figurations naïves et enracinées dans la culture populaire, est une preuve claire de son inspiration. »

Après s’être marié à une enseignante au Chili et avoir eu trois enfants, il fait la connaissance de Consuelo Araoz, une fille de diplomates. Elle le convainc de poursuivre sa carrière artistique à Paris. Malheureusement, cela implique qu’il laisse sa femme et ses enfants derrière lui – une décision pour laquelle ils ne lui pardonneront jamais. En 1949, lui et Consuelo arrivent en France. Ils emménagent au rue de Vaugirard et commencent à s’adapter à la vie parisienne. Consuelo crée des costumes pour la chanteuse Suzy Solidor, tandis que lui tisse des liens avec des artistes parisiens, notamment Picasso et des artistes abstraits des années 50 comme Bazaine, Manessier et Le Moal.

Ces derniers ont une grande influence sur son art, parfois trop grande. Ses œuvres sont souvent magnifiques, mais manquent de personnalité unique. Ses origines latino-américaines, qui donnaient un charme distinct à son art antérieur, se perdent dans le mélange de l’école de Paris.

Le couple s’implique également dans la communauté artistique créée par André Lhote à Alba-la-Romaine, en Ardèche. Il y gagne une certaine notoriété, jusqu’à être interviewé à la télévision, mais il a du mal à vendre ses peintures, malgré plusieurs expositions. Apparemment, il n’était pas bon à la promotion de son art ou de lui-même.

Pauvreté

Après leur rupture, Consuelo reste dans le Sud, tandis que lui s’installe sur les bords de la Loire, puis dans la banlieue parisienne. Il finit malheureusement sa vie dans le dénuement. Dans une lettre adressée à Victor Carvacho, qui sonne comme un appel à l’aide, il semble réaliser qu’il a peut-être fait une erreur. Les raisons restent floues pour ne pas compromettre l’aspect enquête du documentaire en question.

C’est également une magnifique dédicace au film, rendue à tous ces artistes – et ils sont nombreux – qui ont fait le choix de sacrifier leur existence (et aussi celle d’autrui dans son cas) pour leur passion. Une pierre tombale pour les artistes méconnus.
Mon rendez-vous est fixé avec un arbre, une réalisation de Benjamin Delattre (Chine-France, 2024, 78 minutes). Il sera disponible jusqu’au 16 octobre 2025.
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