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Complexité de Cassavetes au Vieux-Colombier

Les critiques théâtrales sont placées sous les projecteurs en ce moment sur les scènes de Paris, avec deux spectacles qui égratignent les critiques avisés dans leur domaine. Une coïncidence intrigante qui provoque la conversation, la confusion, et la joie. Si la critique (dans son sens le plus large) est actuellement au coeur des discussions, c’est parce qu’elle n’est pas encore obsolète. Preuve en est avec « Contre », une proposition offerte au Théâtre du Vieux-Colombier, mise en scène par Sébastien Pouderoux et Constance Meyer.

D’un côté, au Odéon-Théâtre de l’Europe, Angelica Liddell invoque Ingmar Bergman pour régler leur sort aux journalistes dans une cérémonie funèbre de beauté austère (Dämon). De l’autre, au Vieux-Colombier, Pauline Kael, experte en cinéma et signataire notable du New Yorker, subit les foudres et la moquerie de John Cassavetes.

« Le jour où elle appréciera mes films, j’arrêterai de faire du cinéma », déclare, en résumé, le réalisateur américain de « Une femme sous influence » (1974), interprété par l’acteur Sébastien Pouderoux avec son charme, sa voix acier et son allure nonchalante. Pauline Kael (1919-2001), qui déterminait le succès ou l’échec du cinéma à son époque, est-elle la véritable star de la scène ? On peut avoir des doutes tant son discours éclaire d’une manière unique l’esthétique du réalisateur.

« Les facettes d’un génie ».

La pièce de théâtre se plonge dans l’existence et le travail de John Cassavetes et Gena Rowlands, tout en ciblant principalement John. L’environnement de la scène représente bien la personnalité du réalisateur. Encombré de divers objets, de vaisselle et de livres, le plateau englobe trois espaces distincts: une cuisine, une chambre à coucher et le bureau d’un commissaire où les témoins d’une agression commise par le cinéaste sont convoqués et filmés. La fusion confuse entre les espaces publics et privés illustre parfaitement un artiste qui ne séparait pas sa vie de son œuvre, jusqu’à filmer ses productions dans sa propre maison par manque de moyens.

Le spectacle évite soigneusement de tomber dans une biographie simpliste, et se fraye un chemin dans l’esprit d’un artiste complet et doué, mais aussi manipulateur et autodestructeur. Il n’est pas question de glorifier sa vie en diminuant sa complexité. L’homme et l’artiste étaient indissociables. Même si cela peut déplaire aux fans de Faces (1968) ou Love Streams (1984), le spectacle explore les imperfections d’un génie chargé d’un grand égoïsme, d’un soupçon de mépris pour quiconque n’était pas lui, et d’un désir si vif qu’il nécessitait le sacrifice des autres.

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