L’œuvre de Richard Linklater, autrefois associé à la vague « indé » des années 1990 avec des films tels que Slacker, Before Sunrise, Génération rebelle et Boyhood, continue de fasciner. A 64 ans, cet artiste d’origine texane, basé à Austin, n’a jamais cessé de produire, tout au long de ses trente ans de carrière, des films novateurs et modestes, qui certes présentent des variations, mais qui ne cherchent jamais à attirer l’attention de manière ostentatoire.
Son film récent, Hit Man, présenté à la Mostra de Venise en 2023 hors compétition, se présente comme un antidote à l’inflation actuelle du cinéma américain. Simple et vivante, cette comédie de caractère, dont le genre s’est largement déplacé vers la télévision, est réalisée de manière traditionnelle et explore une variété riche et complexe de l’humanité à travers une panoplie de personnages. Tout comme Bernie (2011) en son temps, Hit Man fait aussi partie de cette branche de son cinéma qui pourrait être décrite comme « basée sur des faits réels », mais dont l’objectif est davantage de servir de point de départ pour une histoire fictive.
Partons de la base d’un rapport de Skip Hollandsworth, rédigé en 2011 pour le magazine Texas Monthly. Il dépeint l’histoire de Gary Johnson, un tranquille professeur de philosophie de Houston qui, pendant des années, endossait le rôle d’un assassin fictif pour aider la police locale à attraper des individus qui cherchaient à faire assassiner leurs proches. Johnson a contribué à environ soixante arrestations, se délectant de l’opportunité de créer des masques spécifiques pour chaque client. Dans ce travail, il a rencontré une gamme diversifiée de personnalités confrontées à des dilemmes existentiels choquants : des conjoints cherchant à éliminer leurs partenaires, des employés souhaitant supprimer leur patron, des adolescents voulant tuer leurs parents, des amoureux cherchant à éliminer leurs rivaux, et ainsi de suite. En association avec son acteur principal, Glen Powell, le film adapte cette histoire vraie en la transposant au décor coloré de la Nouvelle-Orléans, se concentrant sur le personnage énigmatique à l’apogée de sa transformation.
Au début, Gary est présenté comme un homme normal, un professeur divorcé vivant seul avec ses deux chats, sa vie est d’une banalité déconcertante. Cependant, il porte une double casquette, aidant la police en tant qu’électricien en dehors de ses heures de cours. Quand un collègue est suspendu, Gary se retrouve propulsé dans le rôle d’un assassin professionnel, un rôle qu’il joue avec tant de détermination que les suspects finissent capturés dans son piège.
Gary commence à adopter des personnages de plus en plus diversifiés : un jour il est un rustre sudiste tatoué, le lendemain un Russe impassible en manteau de cuir noir, ou un pervers nordique au teint pale vêtu d’un col roulé. Professeur spécialisé dans la structure psychique de Freud, Gary se découvre un nouvel « idéal du moi » dans ce rôle de bourreau, déchainant en lui un sentiment d’aisance, de confiance et de sérénité.
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