Quand on parle de Jean-François Sivadier, nous sommes confrontés à un paradoxe. Il apparaît clairement d’un côté, mais d’une certaine façon est aussi mystérieux. Brillant, mais semble aussi étonnamment protéger ses mystères et ses secrets. Sa présence résistante et forte occupe un espace commun dans lequel il existe, tout en se perdant de façon rêveuse et aérienne. Il est l’un des plus respectés metteurs en scène français de théâtre et d’opéra, doublé d’un auteur accompli. Pourtant, il y a bien autre chose, quelque chose d’insaisissable, invisible même pour ceux qui le connaissent bien.
Pendant ce temps, le créateur d’opéras présente l’un des meilleurs spectacles de la saison avec son œuvre « Portrait de famille, une histoire des Atrides », au Théâtre de la Commune à Aubervilliers, sur Seine-Saint-Denis, et qui fera une tournée à travers la France jusqu’à la fin de la saison. Le spectacle est une expérience de pur plaisir de quatre heures, qui captive le public entre le rire et l’épouvante. Il a été créé en collaboration avec une classe d’acteurs élèves du Conservatoire national supérieur d’art dramatique, servant comme une quintessence de son art de mise en scène et d’écriture, où les paradoxes font une sarabande, entre tragédie et comédie, savant d’une manière spectaculaire et sous forme de fête populaire, combinant une énergie tonitruante et la mélancolie.
A l’âge de 61 ans, son sens de la liberté semble s’être accru. C’était déjà bien visible dans les productions qu’il a organisées avec l’équipe dirigée par son complice, Nicolas Bouchaud. Leurs créations vont du Mariage de Figaro (2000) à Othello (2022), en passant par La Vie de Galilée (2002) ou Le Roi Lear (2007). De même, au niveau opératique, il a établi de nouvelles règles, comme avec La Traviata (2011), Don Giovanni (2017), ou Carmen (2010).
« Un terrain de liberté »
Se pourrait-il que son affinité avec le théâtre lui permette de le transformer en un vaste espace de créativité sans frontières, au grand plaisir des spectateurs? «Je ne peux pas précisément dire quelle est l’origine de cette sensibilité artistique qui m’a touché, ainsi qu’à mon frère [Pierre-Michel Sivadier, pianiste, compositeur, chanteur et auteur] », se demande-t-il. Peut-être cela provient-il d’un épisode légendaire de notre histoire familiale: avant notre naissance, nos parents ont parcouru l’Afrique centrale, de village en village, avec leur cinéma itinérant.»
Lorsque les deux frères Sivadier voient le jour, cette aventure est déjà finie, laissant sans doute un parfum de nostalgie. Les parents tenaient une station-service au Mans. Jean-François Sivadier, pour autant qu’il s’en souvienne, a commencé à monter des spectacles de marionnettes dans sa chambre et a créé un club de théâtre à l’école alors qu’il n’avait que 10 ans. Sa première production était une adaptation de Peau d’âne, avec des imitations de Claude François. Son éclectisme et son amour pour la musique française ont persisté, au fil d’un parcours où le théâtre a toujours été son refuge, qu’il n’a jamais quitté.
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