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Mao, empereur rouge controversé

Dans l’attente de la célébration des 75 ans de la République populaire de Chine prévue le 1er octobre, ARTE prépare un vaste documentaire dédié à son fondateur, le Parti communiste chinois (PCC). Le documentaire, divisé en trois épisodes de cinquante minutes chacun, examine de nouveau les 82 années de l’existence complexe de Mao Zedong (1893-1976), parfois appelé de façon un peu excessive, « l’empereur rouge ».

Bien que l’appellation « rouge » ne soit pas contestée, Mao Zedong, né de parents paysans aisés en 1893, consacra sa vie à l’acquisition du pouvoir en dirigeant des bandits et des miséreux tout autant qu’à son exercice et à sa conservation au coût de persécutions massives. Malgré son manque d’éloquence et son fort accent du Hunan qui rendait sa compréhension difficile pour beaucoup de ses concitoyens, Mao ne se voyait pas comme ses prédécesseurs ayant vécu la chute de l’Empire chinois. Malgré son penchant pour la grandiosité et l’adulation de sa personne, il désirait être incinéré après sa mort. C’est malgré lui que ses héritiers lui ont érigé un mausolée sur la place Tiananmen.

Le film documentaire traite de la chronologie traditionnelle : la période de jeunesse et l’accession au règne, les années 1950 qui semblent prometteuses mais terminent tragiquement avec la plus grave famine de l’histoire humaine – le Grand Bond en avant, et finalement la Révolution culturelle mal dénommée. Le récit est enrichi par d’innombrables images d’archives fascinantes qui soulignent les avancées remarquables réalisées par la nation la plus peuplée du globe en quelques décennies, ainsi que des interviews succinctes avec des spécialistes et des personnes qui ont vécu ces époques.

En discutant de l’ère maoïste en Chine, on ne peut s’empêcher de faire un parallèle avec l’époque actuelle sous la supervision de Xi Jinping. Le documentaire présente dès les premières minutes le leader actuel, Xi Jinping, orchestrant une des grandioses cérémonies caractéristiques des régimes totalitaires sur la place Tiananmen. Une femme chinoise interrogée établit directement une analogie entre le secrétaire général du Parti Communiste Chinois actuel, dont la « pensée » est étudiée dès la scolarité, et Mao, dont les méditations étaient le centre du « Petit livre rouge », qui rivalisa avec la Bible en termes de popularité.

Toutefois, contrairement à ce que suggère le film, l’ère de la surveillance électronique de la population sous Xi Jinping n’est en rien similaire à l’autorité totalitaire de Mao. Autrefois, les Chinois n’avaient pas la possibilité de voyager, de sélectionner leur carrière ou leur partenaire. Ces jours sont révolus. De plus, comme le troisième volet du documentaire l’admet, Xi Jinping s’inscrit dans l’héritage des empereurs et réinstaure le confucianisme, considéré par Mao comme une « vieillerie ».

Principalement, Xi dirige par la discipline plutôt que le désordre. Actuellement, le PCC symbolise la paix et la stabilité, un succès remarquable compte tenu de ses précédents débordements. Bien que la propagande contribue à cette image auprès du public, elle n’est pas la seule explication. Les Chinois sont persuadés que le parti a mis un terme à plus de cent ans d’humiliations infligées par les Occidentaux et les Japonais.

Le verdict est à « 70% favorable »
Même si Xi n’est pas Mao, on pourrait établir un paradoxe en disant qu’il se révèle parfois plus idéologue que Mao. Ce dernier n’a pas hésité à se rapprocher des États-Unis sous Nixon pour réaliser ses objectifs : remplacer Taiwan à l’ONU et faire de Pékin le seul représentant de la Chine sur la scène internationale. En revanche, Xi continue de maintenir une excellente relation avec Vladimir Poutine pour des motifs principalement idéologiques.

Cette reconnaissance internationale est sans doute l’une des raisons de la popularité persistante de Mao en Chine. Bien que le documentaire ait abordé le sujet, il n’a fait que le survoler, ne donnant la voix qu’aux Occidentaux et aux Chinois hostiles au régime. Cette popularité est encore un mystère pour beaucoup d’Occidentaux. Elle est pourtant bien réelle, y compris parmi les Chinois très critiques du PCC. Le documentaire rappelle que, selon le parti, les résultats de Mao sont à « 70% favorables » – et donc à 30% défavorables. Même si cela ne peut être prouvé, il est probable que la majorité des Chinois partage cette opinion.

Le film documentaire parvient à la conclusion que, bien que la Chine soit de nouveau une nation majeure et moderne, elle a tout de même dû verser un « coût colossal ». Il n’est pas tout à fait sûr que les citoyens chinois soient en accord avec cette évaluation. Une part significative d’entre eux a maintenant la possibilité d’évaluer leur patrie et le reste du monde. Est-ce grâce à Mao ou en dépit de lui ? La discussion est toujours en cours.

Mao, le roi rouge, un documentaire de Paul Wiederhold et Annette Baumeister (Allemagne, 2024, 3 × 50 min), accessible à la demande sur Arte.tv à partir du 16 septembre.

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