Huit ans après que la Grande-Bretagne a voté pour quitter l’Union Européenne (UE), l’impact du Brexit sur le pays n’a pas encore été résolu. Surprenamment, cette question n’a pas été discutée lors des élections législatives de juillet qui ont ramené le parti travailliste au pouvoir. Cela vient du fait que les problèmes créés par le référendum de 2016 sont toujours persistants et les retombées politiques restent explosives dans un pays qui se vante de sa stabilité et de sa modération.
Un documentaire impressionnant réalisé par Thomas Johnson et co-écrit par le journaliste Eric Albert du Monde, mérite d’être cité pour avoir dépeint et analysé le grave impact du Brexit sur une longue période. Une économie entravée, une image internationale endommagée et un désordre politique ressenti partout sont quelques-uns des impacts négatifs largement documentés du Brexit sur le Royaume-Uni. À tel point qu’une majorité des Britanniques regrettent actuellement cette décision. Un terme a même été créé pour refléter ce regret – « Bregret », une combinaison de « Brexit » et « regret ».
Cependant, le Brexit a eu une autre conséquence majeure : une diminution rapide de la confiance envers les dirigeants politiques et les institutions, et un sentiment général de trahison. L’amertume de la moitié des électeurs qui avaient voté pour rester dans l’UE s’est additionnée à la colère des partisans du Brexit, les autres citoyens britanniques qui étaient convaincus par les promesses absurdes de Boris Johnson et qui ont rapidement déchanté. Tout cela a abouti à un gâchis monumental.
Le documentaire met en exergue le mécontentement double des petits pêcheurs pro-Brexit de 2016 qui espéraient des merveilles, mais ont seulement connu le déclin à cause du Brexit, et celui des jeunes pro-européens limités par des perspectives qui se sont contractées, se sentant « coincés par une décision dictée par les plus âgés ». Une professeure de danse pittoresque conclut dans le documentaire que « nous avons tous été largués ».
Qu’est-ce que ce gâchis exceptionnel peut apporter ? Le Brexit s’apparente à une révélation cruelle : privés de l’opportunité d’accuser Bruxelles de tous leurs problèmes, les conservateurs aux commandes se sont retrouvés exposés avec leurs mensonges. Ils ont dévoilé leur incapacité à gérer l’après-Brexit et que leurs promesses – « retourner au contrôle », « Grande-Bretagne mondiale », etc – n’étaient que des slogans vides. Même le remplacement du Boris Johnson burlesque et trompeur par Rishi Sunak, beaucoup plus sérieux, n’a apporté aucun changement.
Le mérite du documentaire est de souligner que les désenchantements nés de cette multitude de promesses trahies ont non seulement accentué la fracture entre l’opinion publique et la classe politique, mais ont aussi contribué à la radicalisation du Parti conservateur et renforcé l’extrême droite, avec des impacts importants sur le scénario politique.
Certes, la politique a basculé en faveur des travaillistes. Cependant, l’élection de Nigel Farage, l’architecte du Brexit, comme député en juillet, et les émeutes anti-musulmanes de juillet organisées par l’extrême droite, montrent jusqu’à quel point les forces régressives et haineuses sont maintenant un poids sur le pays.
« C’est la colère du peuple » »
Dans le film, Michel Barnier, récemment nommé Premier ministre français et chef des pourparlers sur le Brexit, a attiré l’attention. Il considère la « frustration des masses » comme la première raison derrière le refus britannique en 2016. Il appelle à « ne pas mélanger le populisme avec le devoir d’écouter, de saisir » cette frustration et de « réagir » à celle-ci.
Malgré le paysage sombre mais riche, il est dommage qu’il n’y ait pas d’analyse de la position de Labour, actuellement au pouvoir, sur l’Europe. Les apparitions trop nombreuses de Tony Blair, une particule intelligente mais totalement dévalorisée dans son pays, n’en parlent pas. Les raisons pour lesquelles les Britanniques, bien qu’ils aient changé d’avis sur le Brexit, semblent loin de vouloir reprendre leurs relations avec l’UE sont également passées sous silence.
Le nationalisme anglais, l’isolement et la conviction de l’exceptionnalisme britannique n’ont certainement pas disparu avec les désenchantements nés de la séparation avec le continent. Sans oublier la fierté, bien qu’atténuée par l’humour anglais. « Nous avons pris une mauvaise décision, mais nous la maintenons. Sinon, nous allons avoir l’air stupides », plaisante Rachel Johnson, sœur pro-européenne de l’ancien premier ministre, avant de conclure : « Mais, c’est déjà le cas de toute façon ».
Le documentaire « Royaume-Uni, du Brexit au ‘Bregret' » de Thomas Johnson et Eric Albert (Fr.-RU, 2024, 70 min) est diffusé dans l’émission « Le Monde en face » sur France 5 et est disponible en replay sur France.tv.
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