Le garçon maintient fermement sa chaussure près de son cœur, les yeux fixés sur le ciel. Erigée en 2007, cette statue se trouve à Vilnius, la capitale de la Lituanie, et symbolise Romain Gary, un écrivain français (1914-1980), encore enfant, devant le bâtiment où il a vécu au début du siècle précédent. Simonas Kairys, le ministre de la culture lituanien, s’est adressé aux médias français devant cette œuvre en mai, peu de temps avant le début de la Saison de la Lituanie en France, le 12 septembre. Cependant, il désirait mettre en lumière un tout autre symbole.
Juste à côté, se trouve un bâtiment néoclassique massif qui a été, jusqu’à récemment, dédié au théâtre russe. En septembre 2022, sept mois après l’agression de l’Ukraine par les forces de Vladimir Poutine, Simonas Kairys l’a renommé le « Vieux Théâtre de Vilnius ». La même année, il a donné l’ordre de faire tomber des sculptures militaires de l’époque soviétique, un geste qui a été mal accueilli par le Kremlin.
En février 2024, une annonce du département intérieur russe accusait M. Kairys et plusieurs centaines d’individus proéminents d’agression envers la Russie. « Cette liste comprend des historiens, des maires et des juges », dit-il, sans aucune intimidation, « En nous criminalisant, la Russie démontre qu’elle ne nous reconnait pas en tant que citoyens d’un état souverain. Ce qui se passe en Ukraine pourrait arriver ici. » Encadré par la Biélorussie et l’enclave russophone surarmée de Kaliningrad, le petit Etat balte de 2,7 millions de résidents est en état d’alerte, craignant une invasion si Moscou gagne la guerre.
En des temps plus paisibles, la saison de la Lituanie en France aurait reçu moins d’attention médiatique. Qui se souvient encore de l’Impressionnante Lettonie en 2005 et de l’Estonie dynamique en 2011, des initiatives culturelles et diplomatiques destinées aux deux autres Etats baltes ? Cependant, le conflit en Ukraine a rehaussé le profil de la Lituanie, qui se positionne maintenant comme un centre de la résistance contre le Kremlin. À Vilnius, le drapeau ukrainien flotte fièrement sur les balcons. « La Haye t’attend, Poutine », proclame une banderole à la cime d’un gratte-ciel de la capitale, faisant allusion au mandat d’arrêt émis par la Cour pénale internationale contre le chef d’Etat en mars 2023.
La Lituanie, qui est membre de l’Union Européenne et de l’OTAN depuis deux décennies, ne considère pas que sa souveraineté dépend uniquement de sa force militaire. « La culture est également un terrain de combat », affirme M. Kairys. Deux années après que la ville de Kaunas a reçu le titre de « capitale culturelle européenne », il est plus important que jamais de souligner l’unicité que Moscou s’est toujours efforcée d’éliminer. « Regardez notre langue. Elle est parmi les plus anciennes en Europe et a été proscrite pendant quarante ans, de 1864 à 1904 », déplore Virginija Vitkiene, commissaire de cette édition vouée à propulser la culture lituanienne.
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