« Reportage – Dimanche 8 septembre à 23h10 – M6
L’enfer ne se caractérise pas toujours par de bonnes intentions, mais plutôt par de nombreux obus. L’émission « Enquête Exclusive » diffuse un documentaire sur Gaza, où le conflit déclenché par Israël persiste depuis presque un an, révélant les blessures profondes qui marquent ce territoire au-delà de ce qu’on pourrait imaginer.
Dès le début du documentaire, la chronologie fatale des événements est rappelée. L’agression mortelle perpétrée par le Hamas le 7 octobre 2023, était destinée aux bases militaires entourant la région palestinienne, les kibboutz israéliens adjacents, et un festival de musique techno à proximité. Les tueries commises par le groupe islamiste et les troupes armées rejoignant Israël en conséquence ont entraîné le décès de 1 195 israéliens, dont la plupart étaient des civils, comprenant également des femmes, des enfants et des personnes âgées. De plus, 251 otages ont été emmenés de force vers le territoire palestinien.
En réponse à cette attaque d’une brutalité et d’une envergure sans précédent, Israël a déployé l’opération « Epée de Fer », succédant au « Déluge d’Al-Aqsa ». Ces incidents sont bien connus de tous. Toutefois, il est moins commun d’observer pendant près d’une heure les réalités quotidiennes des habitants de Gaza, contraints de quitter leurs domiciles du fait des frappes aériennes constantes et des incursions terrestres.
Censure de l’information »
C’est une première dans le contexte du conflit israélo-palestinien : Aucun reporter étranger n’a le droit de pénétrer sur le champ de bataille selon les directives d’Israël. La bande de Gaza est entièrement isolée. Afin de contourner cette censure, Martine Laroche-Joubert a choisi de collaborer avec Shrouq Aila, une journaliste locale de Palestine, jeune mère d’une fille et veuve d’un reporter tué dans un bombardement le 22 octobre 2023. Une centaine de journalistes palestiniens ont été visés depuis que le conflit a éclaté, un massacre inégalé.
Shrouq Aila arpente une portion, essentiellement le sud, des 360 kilomètres carrés que mesure la bande de Gaza. Elle rencontre surtout des réfugiés qui ont fui le nord de la région. Au moment de la réalisation de ce reportage, 1 million de réfugiés – soit presque la moitié des 2,5 millions d’habitants – se pressent à Rafah, une ville à l’extrême sud de la bande de Gaza, proche de l’Egypte, qu’ils peuvent voir depuis leurs abris précaires. Cependant, avec l’attaque prévue par Israël dans la région de Rafah au début du mois de mai, ils sont de nouveau contraints de fuir vers Deir Al-Balah.
La dévastation est bouleversante – avec 70 % des maisons devenues inhabitées, plus de 80 % des infrastructures sanitaires endommagées ou détruites, l’eau et l’électricité coupées, et des décombres de 39 millions de tonnes laissés derrière. Les hôpitaux, déjà dans un état précaire, sont débordés de familles déplacées qui s’abritent dans les couloirs. Cependant, le coût humain est le plus effroyable : 39 000 décès (dont 14 000 enfants), s’élevant à près de 41 000 à ce jour, et plus de 80 000 blessés, incluant 12 000 enfants. Les épidémies et la famine sont déjà présentes.
Essayer de survivre chaque jour
Souvent, ces horreurs se réduisent à des chiffres et des termes comme « dommages collatéraux » ou « erreurs de tir ». Mais il est nécessaire de regarder et d’entendre les gens de Gaza, leur désespoir mais aussi leur humour et leur sang-froid face à la tragédie. L’intérêt principal de ce documentaire est de montrer Gaza et ses habitants de près. Malgré la mort et la dévastation, les maternités sont débordées. Pour les Gazaouis, le dernier refuge et la dernière arme est le ventre des femmes, cherchant à remplacer les enfants perdus par de nouveaux, refusant ainsi leur disparition.
Peu de commentaires politiques sont suggérés dans les discours, l’urgence est de survivre au jour le jour sans penser au futur. Cependant, certains témoignages révèlent une critique silencieuse du Hamas, accusé d’avoir décidé du destin des Gazaouis sans en subir les conséquences. Yahya Sinouar, le chef de cette organisation islamiste, se cache toujours dans le vaste réseau de tunnels construits sous terre.
Alors que les discussions laborieuses sur un cessez-le-feu et un échange de prisonniers contre des otages palestiniens stagnent, les habitants de Gaza sont conscients que le cessation des hostilités ne signifie pas la fin du conflit. Il faudra beaucoup de temps pour que l’eau et l’électricité soient pleinement rétablies. La reconstruction nécessitera au moins une génération. Et la paix est encore loin d’être atteinte…
Des vies en disgrâce à Gaza, documentaire de Martine Laroche-Joubert et Shrouq Aila (Fr., 2024, 52 min).
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