Catégories: Culture
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3 septembre 2024 5 h 06 min

Gestion approximative du patrimoine religieux à Rome

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Dans un document critique diffusé le lundi 2 septembre, la Cour des comptes critique vivement la manière dont l’administration des Pieux établissements à Rome gère un patrimoine français immobilier et spirituel exceptionnellement riche.

Relevant de l’autorité de l’ambassade de France auprès du Saint-Siège, les Pieux établissements de la France à Rome et à Lorette, souvent désignés sous le nom de « les Pieux », ont entre autres responsabilités la gestion de treize immeubles locatifs situés au cœur historique de la capitale italienne, ainsi que cinq églises, y compris les fameuses Trinité-des-Monts et Saint-Louis des Français, cette dernière abritant trois œuvres du Caravage reconnues à l’échelle internationale.

Cependant, le rapport déplore de nombreuses défaillances flagrantes dans la gestion très approximative de cet important patrimoine, et ce, pour la période 2015-2022.

Pas de valeur d’estimation

D’abord, le rapport explique que ce patrimoine n’est pas correctement recensé : aucune des églises et aucune des collections ne figurent dans le bilan comptable et aucune estimation n’a été faite de la valeur de ces œuvres. C’est le cas des trois Caravage, qui pourraient valoir plusieurs centaines de millions d’euros.

Ces failles peuvent entraîner des « risques de perte de propriété qui se sont déjà matérialisés dans certains cas », selon le rapport. Il soulève également des ambiguïtés, comme l’escalier bien connu reliant Trinité-des-Monts à la Place d’Espagne, qui a été construit avec des fonds français mais entretenu ces dernières années soit par les Pieux, soit par la ville de Rome.

La Cour met en évidence une « politique d’attribution et de détermination des loyers non transparente » concernant les 148 appartements et trente-et-un boutiques. Les loyers sont généralement « inférieurs à l’échelle basse » dans ces quartiers prisés et il existe « des privilèges injustifiés accordés à plusieurs locataires ». Cette « absence de professionnalisme » prive Les Pieux de « près de 50% » du revenu potentiel, assure le rapport évaluant la valeur des immeubles à 213 millions d’euros (avec un revenu de 4,6 millions).

La Cour regrette également une gestion « hors-livres » de certains comptes bancaires avec « de multiples paiements en liquide », parfois pour des salaires, des loyers, des remboursements de dépenses…

Ambiance nébuleuse

En outre, il y a « un manque de coopération avec le ministère de la culture ». Les recommandations anti-incendie n’ayant pas été mises en œuvre, il y a dans les églises « un danger réel pour la sécurité des biens et des personnes », selon la Cour.

Un autre problème : les « évasions significatives » concernant les constructions, réalisées sans publicité des appels d’offres, attribuées à quelques entreprises, « avec le risque de surfacturations majeures ». « Depuis longtemps conscient de ces évasions, le ministère des affaires étrangères n’a pas pris les mesures nécessaires pour corriger une situation dégradée », ajout le rapport.

Pour conclure, la Cour dénonce, à l’aube du Jubilé qui rassemblera des millions de visiteurs à Rome en 2025, « une action culturelle embryonnaire » et une mise en valeur « insuffisante » de Saint-Louis des Français.

Elle évoque une « incertitude persistante » concernant le statut des Pious qui « a favorisé les dérives », bien qu’elle affirme que la possession française du patrimoine a « été récemment réaffirmée » par divers verdicts italiens. Elle rappelle également que les Pious reposent sur une « équipe très limitée », sans véritable renouvellement ni contrôle interne.

« Une nécessité de transformation » lancée depuis 2021

Divulguant que « l’implication des ambassadeurs et de l’État est en cause », et que ce dernier « doit mettre fin rapidement aux dérives observées », la Cour insiste sur le fait que la structure légale « doit évoluer de manière impérative » et évoque la fondation d’une entité à autonomie financière ou d’une institution publique.

Pour le ministère des affaires étrangères, la dernière suggestion n’est « pas réalisable », spécifiquement en ce qui concerne la nécessité de laïcité. Dans sa réponse, le ministère plaide pour poursuivre « la transformation entamée dans le cadre actuel ». Selon le ministère, le rapport « adhère largement aux constats de l’ambassade » même si plusieurs exemples « s’appuient sur des expériences datées ». Le ministère fait remarquer qu’une « nécessité de transformation » a été lancée depuis 2021, répondant à diverses recommandations de la Cour (attribution des logements, professionnalisation de la gestion…), tandis que d’autres mesures sont en cours d’application (notamment des mesures anti-incendie). Il ajoute que « un professionnel de l’inventaire est prévu pour juillet ».

Le patrimoine de la fondation a été accumulé au cours des siècles grâce à des donations et des legs de Français. Les cinq églises préservées, qui existent depuis le VIIème siècle, offraient un refuge aux pèlerins épuisés par leurs voyages, une mission qui perdure encore.

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