Catégories: Culture
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18 août 2024 23 h 06 min

« Adieu à Duteurtre: Grande Histoire Opérette »

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Benoît Duteurtre avait une affection nostalgique pour une période qu’il n’avait jamais vécue mais à laquelle il se sentit connecté à travers un patrimoine familial qui comptait parmi eux René Coty (1882-1962), son arrière-grand-père, le dernier président de la IVè République. Il était attiré par la France dépeinte dans les films en noir et blanc, avec son langage distinctif, et ses coutumes qui mélangeaient gracieusement la rudesse et la délicatesse. Il admirait Paris et son légendaire « esprit parisien ».

Cependant, Benoît Duteurtre était également un grand amateur de la « province”, dont il était natif, en particulier les Vosges, où il visitait pendant toutes les saisons, une maison de famille située dans ce qu’il décrivait comme son « petit paradis ». C’est là que le 16 juillet, à l’âge de 64 ans, une crise cardiaque l’a emporté. Il appréciait les anciens noms de départements, les buffets de gare, les nappes à carreaux, l’accordéon, les personnes âgées et presque tous les vestiges d’un passé en cours d’effacement.

Parmi ces choses, son préféré était l’opérette, « la fille de l’opéra-comique (…) qui a mal tourné mais qui n’en est pas moins charmante », comme l’éminent compositeur Camille Saint-Saëns (1835-1921) l’a si bien dit. Un genre qui a fait les grandes soirées et les ventes records du Châtelet ou de Mogador, à Paris, et, pendant longtemps, les matinées des théâtres de province fréquentées par un public plus âgé.

Initialement, Benoît Duteurtre a vivifié l’ardeur des jeunes générations pour le genre lyrique léger en publiant un « beau livre » intitulé L’Opérette en France (Editions du Seuil, 1997), qui a été réédité dans une version revue et améliorée par Fayard en 2009.

A la radio, dans son programme « Etonnez-moi Benoît » – qui aurait célébré ses 25 ans de diffusion sur France Musique – ce producteur et musicien formé a souvent accueilli des témoins et des interprètes majeurs de ce répertoire, largement diffusé sur les ondes nationales. Ces enregistrements, conservés par l’Institut national de l’audiovisuel (INA) et parfois édités en disques, enrichissent fortement le contenu de La Grande Histoire de l’opérette. Il s’agit d’une série de sept épisodes de 88 minutes, enregistrée par Benoît Duteurtre en mai.

La série étend le sujet au-delà de la France, bien que Duteurtre souligne que l’opérette viennoise a d’abord puisé son inspiration dans le modèle français, tant pour ses thèmes que pour ses livrets. A titre d’exemple, La Chauve-Souris (1874) de Johann Strauss, et La Veuve joyeuse (1905) de Franz Lehar, deux joyaux du répertoire viennois, sont adaptés des travaux d’Henri Meilhac (1830-1897), seul ou en collaboration avec Ludovic Halévy (1834-1908), avec qui il a formé un célèbre duo de librettistes pour Jacques Offenbach (1819-1880).
Cette joie est contagieuse.

Benoît Duteurtre, au cours des sept épisodes, met en lumière divers échanges culturels issus de l’âge d’or de l’opérette de chaque côté du Danube, dont certains ont lieu avec l’Angleterre. De nombreux travaux français légers ont notamment été présentés, parfois en première, outre-Manche. Au cours des années 1920, les influences américaines se sont également fait sentir avec l’exportation de rythmes tels que le fox-trot et d’autres rythmes syncopés populaires.

Le sixième épisode met l’accent sur différents genres d’opérettes étrangères. Parmi eux, on trouve les opérettes de William S. Gilbert (1836-1911) et Arthur Sullivan (1842-1900), bien connues du monde anglo-saxon, les pièces légères de Kurt Weill (1900-1950), de nationalité allemande avant son exil aux États-Unis, la zarzuela espagnole, l’opérette tchèque et même l’opérette soviétique, qui est relativement méconnue.

Le dernier épisode, le septième, retrace la fin d’un genre qui disparaît dans les années 1950-1960, malgré le succès de Francis Lopez (1916-1995) et de Luis Mariano (1914-1970) comme vedette. Certaines tentatives sont faites pour sauver l’opérette française de son déclin, notamment par Gérard Calvi (1922-2015) et Charles Aznavour(1924-2018) avec Monsieur Carnaval (1965), avec des paroles de Frédéric Dard (1921-2000).

Avec une démarche énergique et une parole légère, Benoît Duteurtre traverse ces sept épisodes ornés de nombreux extraits musicaux et interviews tirés soit de ses propres émissions soit des archives de l’INA. Comme Sophie Pichon, la réalisateur de cette série, qui a collaboré avec Duteurtre pendant près de quinze ans, l’a partagé avec nous, « Nous avons effectué ces enregistrements dans un esprit très détendu, très amusant. Nous avons beaucoup souri, nous avons énormément ri. Benoît était en parfaite forme », a complété la réalisatrice. Cette joie communicative qu’exprime Benoît Duteurtre, lorsqu’il partage sa passion au micro, est d’autant plus touchante car nous savons que ce sont ses dernières apparitions diffusées par France Musique.
La Grande Histoire de l’opérette, une série de sept épisodes conçue par Benoît Duteurtre et montée par Sophie Pichon (Fr., 2024, 7 × 88 min), a été diffusée du 19 au 25 août, sur France Musique, à 9 heures, et est accessible sur demande sur le site de Radio France.

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