Le mercredi 14 août à Locarno (Suisse), l’orage prévu n’a pas eu lieu. Abel Ferrara, le réalisateur italo-américain de 73 ans, est apparu vêtu d’une élégante veste blanche, ressemblant à un petit nuage flottant dans le ciel légèrement voilé. A ses côtés, Béatrice Dalle, presque 60 ans, toute de noir vêtue, s’est posée sur le canapé d’un hôtel de luxe offrant une vue imprenable sur le Lac Majeur.
Ils donnent l’image de deux rock stars un peu usées mais toujours joyeuses et complices. Ferrara et Dalle, qui se sont battus avec succès contre leurs problèmes de drogues et d’alcool, se connaissent depuis leur jeune âge. Le réalisateur de Bad Lieutenant (1992) avait engagé l’actrice française pour jouer dans The Blackout (1997) aux côtés du mannequin Claudia Schiffer.
Ne cachant pas son admiration pour Béatrice Dalle, Ferrara se souvient de l’impact qu’a eu le film de Jean-Jacques Beineix, 37°2 le matin (1986), sur lui. Il raconte comment le film qui a introduit au monde Dalle, aussi bien son visage angélique que son attitude de dégoût envers la vie, a captivé l’attention du public new-yorkais durant l’été de sa sortie.
Au Festival international du film de Locarno, dont la 77e édition a commencé le 7 août et se terminera le 17, Dalle et Ferrara sont venus faire la promotion d’un documentaire qui les réunit à nouveau, La Passion selon Béatrice, réalisé par le Belge Fabrice du Welz. Dans ce film, qui fait partie de la section Fuori Concorso et distribué par Carlotta, le public suit en Italie les traces du réalisateur et poète Pier Paolo Pasolini (1922-1975), depuis sa région natale jusqu’à ses lieux de tournage.
« Une comparaison avec le Caravage »
Béatrice Dalle joue le rôle principal, se déplaçant de ville en ville, à la découverte des individus qui partagent avec elle les histoires de l’artiste controversé qui est, selon elle, l’amour de sa vie. L’escale à Rome, où Ferrara vit actuellement, offre l’opportunité pour une conversation avec le cinéaste de Pasolini (2014), avec Willem Dafoe, sur la dernière journée de l’individu assassiné sur la plage d’Ostie, au sud-ouest de Rome, dans des conditions demeurées obscures.
Dans un arrangement en nuances de noir et blanc, Fabrice du Welz présente implicitement un portrait de Béatrice Dalle, qui n’avait que 17 ans lorsqu’elle a découvert Salo ou les 120 journées de Sodome (1975). « C’était dans une salle de cinéma à Saint-Michel, à Paris. Avec ma connaissance limitée de l’époque, je me suis demandée: « N’est-ce pas le plus grand film antifasciste que nous sommes en train de voir? » J’ai commencé à m’intéresser à lui, à ses écrits, à ses autres films. Dans Théorème [1968], Pasolini présente les femmes, et en particulier Silvana Mangano, comme des statues grecques. Parfois, je trace des liens avec le Caravage [peintre italien (1571-1610)], qui avait été critiqué pour avoir choisi une prostituée comme modèle. Le Caravage avait choisi la plus belle fille qu’il connaissait pour représenter la Vierge. Car il souhaitait que la Vierge soit sublime, et ses femmes étaient faites de chair et de sang », exprime-t-elle.
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