C’est bien connu pour avoir une série documentaire historique à succès sur une chaîne nationale qui peut attirer de multiples générations, il faut tout d’abord choisir un sujet ou un personnage qui pourrait intéresser une large audience comme la guerre mondiale, Hitler ou Staline. Ensuite, pour assurer une diffusion en prime time, il est nécessaire de colorer autant que possible les archives filmées disponibles. Et pour finir, les témoignages sont à choisir soigneusement, ceux des défunts à travers leurs écrits et profiter des derniers témoins vivants pour prendre leur témoignage face à la caméra.
Ce n’est donc pas surprenant que pour cette année du 80ème anniversaire de la Libération, France 2 ait programmé Libération(s), un ambitieux documentaire en trois épisodes, réalisé par Valérie Manns, et chaque épisode dure environ cinquante minutes. De plus, la chaîne a planifié un autre événement commémoratif autour de la Libération de Paris, le 25 août. Ce documentaire suit le déroulement chronologique classique, commençant par les batailles en Normandie en été 1944 et se terminant par la capitulation des derniers bastions de l’armée allemande sur la côte atlantique au printemps 1945.
Dans la nouvelle version du texte, on aperçoit des foules joyeuses, des actes de terreur, des protestations pour des denrées alimentaires insuffisantes, des femmes rasées, des soldats épuisés, des enfants perdus et des réunions émouvantes mais parfois déroutantes. La France était à la fois contente et soulagée, mais aussi dévastée et en deuil. Outre les archives filmées parfois uniques et l’importance des témoignages de célébrités comme Line Renaud, Jean-François Kahn, Catherine Clément, Marie Chaix, des combattants de la résistance, des soldats de la 2e DB ou de simples citoyens qui ont vécu la Libération dans diverses régions, tant en milieu urbain que rural, ce programme ne fait pas l’impasse sur la complexité de cette époque.
On a vécu la libération différemment. Que l’on soit un résident de Caen qui a perdu tout dans les bombardements alliés, ou un habitant de Toulouse qui a assisté à l’arrivée des résistants communistes dans une ville qui a subi moins de destructions et de combat, ou bien sûr, que l’on soit un enfant de résistant ou de collabo. Comme le note Valerie Manns, la réalisatrice, « Cette série est vue du point de vue des civils et évoque une série d’événements et de situations que les Français ne connaissent pas. Une histoire de luttes, de résistances, mais aussi de lâchetés et de règlements de comptes toujours singuliers. Cette période complexe révèle tous les aspects ambivalents, les nuances et les subtilités du kaléidoscope français, où une France heureuse a coexisté avec une France martyrisée. »
Bien que la libération soit arrivée en France, elle porte encore les stigmates de cinq années d’occupation, visible dans ses villes dévastées et ses villages martyrisés. Un mélange d’étonnement et d’incompréhension accueille souvent les déportés de retour, tandis que d’innombrables contentieux macabres sont réglés. La joie de la libération est largement tempérée par une situation sociale tendue, exacerbée par la faim omniprésente et la crise du logement. Pour certains, c’est une jubilation immense, pour d’autres, il s’agit de douleurs traumatiques dues à la perte de leurs proches ou de leurs biens. Cette France libérée présente diverses facettes.
Dans « Libération(s), dans la joie et la douleur » de Valérie Manns (France, 2024, 3 épisodes de 52 minutes chacune), ces nuances sont explorées.
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