Mercredi 14 août, à 23h10, un documentaire inédit sera diffusé sur France 3 dans le cadre de la neuvième saison de « L’Heure D ». Ce dernier est l’œuvre de Mohamed El Khatib, le réalisateur dont on aime la curiosité estivale. En 2018, il s’est fait connaître avec « Renault 12 », un film disponible en VOD sur Arte Boutique. C’était un road-movie poétique, jonglant entre l’humour et la mélancolie, revenant sur le voyage de ses restes maternels au Maroc.
Six ans après, il revient en s’adressant cette fois-ci à son père. Le film, raconté avec une voix off nostalgique, est une déclaration à son père : « la voiture, c’était toi, papa ». El Khatib, également curateur de deux expositions dédiées à la Renault 12 et à la 504 respectivement, qui seront présentées en 2023 au MuCEM à Marseille, démontre comment certaines voitures résistantes ont servi de lien entre la France et le Maghreb, aidant les émigrants à retourner dans leur pays d’origine chaque été pendant de nombreuses années. Ce chemin a inspiré l’humoriste Jamel Debbouze pour un sketch, et le groupe 113 pour une chanson humoristique, « Tonton du bled ». El Khatib, qui a lui-même emprunté ce trajet estival de 1981 à 1988, nous offre là un film remarquable.
Si vous avez voyagé en France dans les années 1980 et 1990, vous vous souvenez probablement d’avoir vu une de ces voitures R16, R12, 504… entièrement chargées. « La 504 était la meilleure », déclare un homme en souriant. « En Algérie, elle est considérée comme la reine ! », assure un autre. Ils sont une vingtaine à partager patiemment leurs souvenirs de ces trajets marquants, accompagnés de leurs photos personnelles, exclusives, et de documents d’archives souvent humoristiques.
« Voiture- Chameau»
Un conducteur, revivant son enfance, décrit la 504 comme une « voiture-chameau ». Les récits de préparations, qui pouvaient s’étaler sur deux mois, sont à la fois amusants et nostalgiques. Mais parcourir 3 000 kilomètres en trois jours était une tâche ardue … sans oublier la mauvaise expérience de passer par des postes de douane hostiles et corrompus. La radiocassette diffusait de la musique de Cheb Mami, du chaabi (un genre musical algérien très populaire), Oum Kalsoum, et des artistes internationaux comme Barry White, Michel Jonasz, Michel Sardou… Le réalisateur double-checke. « Oui, Michel Sardou figure bien dans la liste. »
Certaines des personnes impliquées résident en France, tandis que d’autres sont basées au Maroc ou en Algérie. Le documentaire, qui est un régal pour les yeux, met en lumière un changement rarement mentionné. Le renversement s’effectue de manière graduelle, par le biais de discours subtils. L’histoire d’un accident lors duquel un père a été perdu par son fils en est le point de départ : « Plutôt que de nous aider, les Marocains du coin nous ont volés. » Deux femmes en France se souviennent des cadeaux qu’elles avaient l’habitude d’offrir à leurs familles, comme le parfum Rêve d’or à bas prix. Cependant, ces « petits » cadeaux ne sont plus appréciés de l’autre côté de la Méditerranée, ils sont perçus comme une insulte rétrospective.
« Nous étions en service pour eux [les immigrants qui revenaient en France pendant l’été], mais ce n’est plus le cas », explique une femme marocaine au Maroc. Hier idolâtrés parce qu’ils avaient « réussi » comme on pouvait le supposer, on leur reproche maintenant leur « attitude colonisatrice ». La mondialisation a renversé les rôles. Une femme résume : « L’Algérie est devenue la France, et la France, l’Algérie. »
504, un documentaire de Mohamed El Khatib (France, 2024, 52 min). Diffusé dans la collection « L’Heure D » sur France 3, et disponible sur demande sur France.tv jusqu’au 12 janvier 2025.
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