Le film « Bowling Saturne », réalisé par Patricia Mazuy et sorti en 2022, est projeté le mardi 13 août à 20h50 lors du Festival CINÉ+. Cette œuvre est une exploration sans fin de la noirceur inhérente à l’expérience humaine, un « film noir » bien sûr, mais un qui plonge profondément et irrévocablement dans les ténèbres. Pierre Soulages nous a montré qu’atteindre un certain niveau de noir est un véritable défi artistique, et c’est exactement ce que fait ce film. Il pose la question de la violence primordiale, d’où vient ce sombre, mais puissant désir ancestrale de tuer.
L’histoire commence avec deux frères, Guillaume (Arieh Worthalter) et Armand (Achille Reggiani), fils d’un même père récemment décédé. Le premier est policier, promis à une carrière prospère, l’autre est un hors-la-loi qui travaille comme videur dans une boîte de nuit. Guillaume décide de poser un geste en mettant son frère à la tête du bowling qu’il a hérité, lui donnant aussi les clés de l’appartement parental. En prenant possession de cet établissement, Armand n’hésite pas à provoquer la société des chasseurs, dont son père était un membre respecté, et à utiliser le lieu pour attirer des clientes seules. Un mois plus tard, plusieurs corps de jeunes femmes sont retrouvés.
« Bowling Saturne » aborde sans mystère la culpabilité d’Armand, révélée suffisamment tôt pour anticiper l’enquête. La première partie du film, consacrée à la figure maudite du cadet, met en exergue la transformation qui se produit dans son personnage. Initialement, sa situation défavorable évoque de l’empathie, mais il finit par adopter les symboles de son père feu (notamment, un blouson en peau de crocodile) et passe à l’action. Le reste de l’intrigue suit Guillaume dans son enquête exacerbée. Deux frères antagonistes, les méfaits de l’un semblant éclipser le dynamisme et le prestige de l’autre.
Témoin privilégié
La scène d’homicide, solitaire et glaçante, est le point nodal du film. « Bowling Saturne » s’emploie à reconstituer le parcours de la violence meurtrière, une violence perçue surtout en termes de généalogie et d’imitation. Patricia Mazuy le fait moins sur la base du récit que par les simples expressions de la mise en scène, en s’appuyant sur des archétypes du genre « néonoir » (comme le motif des frères opposés).
Dans un contexte urbain caractérisé par des lignes vives et des surfaces glaciales, la caméra s’infiltre, témoins privilégiés des solitudes qui rentrent en conflit, avec le bowling comme catalyseur. Patricia Mazuy crée un jeu sur les distances et la séparation des corps, leurs attractions incertaines, leurs frictions sèches, qui exprime toute la rigidité et la glaciation du monde contemporain. Il n’est donc pas surprenant que le film soit placé sous le signe de Saturne : la planète de l’hiver éternel, la figure mythique du père qui dévore ses propres enfants.
« Bowling Saturne » de Patricia Mazuy. Avec Arieh Worthalter, Achille Reggiani, Y Lan Lucas, Leila Muse (France-Belgique, 2022, 114 minutes).
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