L’endroit porte le nom d’Arc-en-rêve, mais il ressemble davantage à un cauchemar lorsqu’on se penche sur l’exposition consacrée à Walt Disney (1901-1966), qui se poursuit jusqu’au 5 janvier 2025. Cette exposition, intitulée « L’Architecture des réalités mises en scène, (re)construire Disney », s’inscrit dans la tradition de cette institution bordelaise qui voit toujours l’architecture comme un outil pour réfléchir et agir sur le monde.
Dans cette exposition, les films Disney sont utilisés comme des outils pour explorer un sujet qui les dépasse. Ce qui fascine Saskia van Stein, la commissaire de cette exposition, conçue pour le Het Nieuwe Instituut de Rotterdam et présentée là-bas en 2022, c’est l’influence de ce géant du divertissement. Comment cette multinationale, qui domine une grande partie de l’industrie hollywoodienne, contrôle un large réseau de médias et impose sa marque sur le monde avec ses parcs à thème et les zones résidentielles qui se développent autour d’eux, affecte-t-elle chacun de nous ?
Allons-nous immédiatement solliciter d’autres questions. Qu’est-ce qui lie le monde de Mickey, Blanche-Neige ou Cendrillon à la conception architecturale de la nouvelle ville du Val d’Europe à Marne-la-Vallée (Seine-et-Marne) ? Quelle est la transition entre ces petits chefs-d’œuvre destinés principalement à amuser les enfants, à un effort global de domination qui a mené le conglomérat à acquérir une île des Bahamas et à s’approprier son histoire tout en effaçant son nom ? Lors d’une petite déviation, nous découvrons que Gorda Cay, une minuscule plaque tournante de la piraterie internationale qui est devenue un hub pour le trafic de drogues au XXe siècle, a été renommée Castaway Cay en 1996 lorsque Disney l’a transformée en port d’ancrage pour sa nouvelle flotte de paquebots de croisière, conçus comme des versions maritimes de ses parcs à thèmes.
La chambre d’echo
L’exposition, dont le titre complexe et inutile pourrait être négligé, ne présente jamais un seul point de vue. Elle agit comme une chambre d’écho où la recherche d’un réalisme extrême dans la sphère de l’animation est liée à l’ascendance du simulacre dans la réalité. Les méthodes de travail éreintantes et la surveillance massive que Disney exigeait dans ses studios semblent être en harmonie avec une œuvre dont l’éthique du travail est le liant d’une morale réactionnaire, caractérisée par une vision désuète des femmes et une tolérance aux représentations racistes.
L’importance de la propriété intellectuelle a été comprise par Disney à la fin des années 1920 lorsqu’il a perdu les droits de son personnage Oswald, le lapin chanceux, protagoniste d’une série de courts métrages populaires. Pour le remplacer, Mickey a été créé. Par la suite, Disney a fait preuve d’une volonté acharnée de protéger ses droits et cela s’est transformé en stratégie d’exploitation intensive, au fur et à mesure que les contrats de partenariats augmentaient (avec la Nasa ou General Motors, des entreprises de fournitures scolaires, des producteurs de masques à gaz…).
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