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« Sur les traces des chamans artistes »

Retrouvez la série complète « L’art en quête de transcendance » ici. Une interrogation a été posée dans une exposition en 2016 à Narbonne : « L’artiste est-il un chaman? » Quatre années auparavant, « Les Maîtres du désordre », une exposition du Musée du quai Branly à Paris, avait relié des chamans et des sorciers de différentes époques et continents à des artistes contemporains tels qu’Annette Messager avec ses représentations, ex-voto et peluches, et Anna Halprin, connue pour sa danse fervente contre le cancer qu’elle combattait. Leurs œuvres semblent des talismans, des reliques d’époques oubliées ou des rituels d’exorcisme.

Bien que le mot « chaman » soit d’origine toungouse de Sibérie, il a pris un sens général au fil du temps. Le « chamanisme » se réfère à des rituels trouvés là où les traditions animistes offrent une vision particulière et une compréhension du monde, de l’Asie à l’Amérique, des Aborigènes aux Inuits. En tant qu’émissaire entre le monde des humains et celui des esprits de la nature et en tant que gardien d’un secret culturel, le chaman est à la fois prédicteur, conseiller et guérisseur. À l’instar des artefacts, des ornements et des rituels qu’il crée, il incarne en quelque sorte un précurseur ou un alter ego de l’artiste.

Outre les véritables artistes chamanes comme Pablo Amaringo du Pérou (1938-2009) et certains artistes Yanomami souvent mis en avant par la Fondation Cartier, de grandes figures de l’art contemporain ayant fait l’expérience des pratiques chamaniques ont incorporé ces expériences dans leur œuvre. C’est le cas de Joseph Beuys (1921-1986), un Allemand connu pour son chapeau de feutre indéfectible. Beuys racontait que lors de la Seconde Guerre mondiale, suite à l’abattage de son avion en Crimée enneigée sur le front russe, il avait été sauvé par des nomades tatars qui l’avaient nourri de miel, enveloppé dans de la graisse animale et des couvertures de feutre pour le ranimer.

Cette histoire de décès et de rédemption du jeune soldat de la Luftwaffe, autrefois soutenu par l’enthousiasme des Jeunesses hitlériennes, lui a permis de renaître symboliquement. Le feutre, la graisse et le miel, symboles de protection, de guérison et de transformation, deviendront l’essence de son langage artistique. Ses performances comportaient également des éléments chamaniques, comme la célèbre « I Like America and America Likes Me » de 1974, où il a passé trois jours dans une galerie new-yorkaise avec un coyote, animal sauvage respecté par les Indiens et exterminé par les colons. L’homme et l’animal ont partagé l’espace de la galerie dans un acte qui ressemblait à un rite cathartique des États-Unis, alors en pleine guerre du Vietnam.

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