Dans toutes les principales cités chinoises, des multitudes d’employés déambulent, s’accroupissent, se redressent et chantent des hymnes avec ferveur, leurs regards rivés vers l’horizon. Bien que les uniformes et les chorégraphies puissent varier, l’artiste chinois Zhou Tao a observé en 2008 un rituel répété partout lors de son voyage. Sa vidéo a été dévoilée au M+, reconnu musée d’art contemporain à Hong Kong, dans la toute première salle de la Sigg Collection. La donation de Uli Sigg, un suisse, a formé la base des collections permanentes du musée. Sa vidéo interroge sur la transition de l’économie collective de Mao vers le capitalisme impitoyable qui sévit actuellement dans le pays, et sur le rôle de la discipline militaire dans la subjugation des esprits à toute idéologie.
La vidéo annonce l’atmosphère de l’exposition, qui, dans l’ensemble, est sombre et cynique, présentant un pouvoir qui maltraite et opprime les individus. Pas de critique explicite du Parti communiste chinois ou de Xi Jinping, le président actuel de la Chine. Les conditions de vie des Ouïgours ne sont également pas mentionnées. Cependant, salle après salle, les thèmes abordés incluent la torture, la pollution, le despotisme, la propagande, le déni de soi, la dépression, et les ravages occasionnés par la spéculation immobilière.
Betty Fung, la présidente de l’autorité du district culturel de West Kowloon qui supervise les installations du quartier culturel de West Kowloon, dont fait partie le M+, insiste sur le fait que les conservateurs d’exposition sont libres de choisir les œuvres. Le comité de direction du musée n’intervient pas dans la programmation. Cela est essentiel pour notre crédibilité, dit-elle.
Art Basel, une foire d’art basée à Hong Kong depuis 2013, soutenue par de grandes galeries artistiques comme Gagosian et Perrotin, et des maisons d’enchères comme Christie’s et Sotheby’s, a été identifiée comme une dimension stratégique pour le développement dans le 14ème plan quinquennal chinois. Adopté en mars 2021, ce plan ambitionne de promouvoir Hong Kong en tant que cœur des échanges culturels entre la Chine et le reste du monde. Dans le cadre de la loi sur la sécurité nationale de 2020 qui oppresse la liberté d’expression dans tous les domaines, ce plan sert de bouclier pour le secteur culturel. La présidente note que l’interprétation de ce rôle est laissée à leur appréciation.
Le traitement de l’artiste Ai Weiwei illustre ce point. Ses œuvres sont mises en évidence dans l’exposition du M+, mais l’œuvre exposée, Ton of Tea (2006), composée d’un cube d’un mètre de thé séché, est politiquement neutre. Sa célèbre photo, Prise de vue en perspective. Tiananmen (1997), qui montre le doigt de l’artiste devant la Cité Interdite, est quant à elle conservée dans les réserves du musée.
Il reste 56.3% de cet article à lire, ce qui est réservé aux abonnés.
Laisser un commentaire