Catégories: Culture
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23 juillet 2024 22 h 13 min

« L’art de parole Pagnol: dix films »

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Il est souvent reproché au cinéma français de privilégier le verbe au détriment de l’imagerie visuelle. Cette tendance est visible chez une multitude de cinéastes, parmi lesquels on compte des littéraires devenus cinéastes. Des personnalités comme Sacha Guitry, Eric Rohmer, Jean Eustache et Marguerite Duras, utilisent le cinéma pour mettre en valeur leur propre style langagier.

Marcel Pagnol (1895-1974) s’est distingué en créant une langue qui reflète le dialecte de sa région natale, la Provence, et qui dépasse la simple utilisation de expressions folkloriques. Suite à une rétrospective à la Cinémathèque française à Paris en juillet, dix de ses films, dont la célèbre « Trilogie Marseillaise », sont réapparus sur grand écran, profitant de restaurations récentes qui ont permis d’apporter une nouvelle vie à ces classiques de la cinématographie.

L’art de Pagnol ne réside pas seulement dans le dialogue, mais également dans la mise en scène. Il utilise le cadre provençal pour créer des espaces de conversation divers, où le dialogue peut se développer librement. Un élément notable de son style est la longueur de ses films, qui dépassent souvent deux heures. C’est parce que pour Pagnol, le véritable drame réside dans l’expression verbale, avec un plaisir à puiser dans toutes ses potentialités.

L’adaptation par Marcel Pagnol de l’œuvre de Jean Giono, « La Femme du boulanger » (1938), tourne autour d’une prémisse simple: un boulanger (interprété par Raimu) nouvellement installé dans un village perd son épouse séduisante qui s’enfuit avec un berger. Bien que le sujet principal tourne autour de l’image tragi-comique du mari trompé, le film s’attarde surtout sur l’exubérance verbale découlant de cette situation. En effet, le déni vigoureux du boulanger, les railleries acerbes des villageois, ainsi que les potins, les conjectures, les divagations et les exagérations fusent à un rythme effréné, mais sans aucun changement notable dans les circonstances. Ce langage pagnolien dépasse la dramaturgie de base, fournissant une représentation vociférante de la sociabilité du sud de la France, peuplée de diverses interactions et émotions.
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