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« Sigmund Freud, le vainqueur des Ténèbres éclairées »

Après des années d’antagonisme et d’idolâtrie, après plusieurs révisions des travaux de Sigmund Freud (1856 – 1939) pendant la deuxième moitié du 20ème siècle, il est maintenant complexe de retracer l’histoire de cet homme. Grâce à sa théorie et à l’impact mondial de ses approches cliniques, Freud fut autant un conservateur progressiste, un libérateur des femmes et de la sexualité, un révélateur de l’imaginaire humain, un successeur du romantisme allemand, un démolisseur des certitudes de la conscience et un juif viennois qui déconstruisait le judaïsme et les identités territoriales. Il portait un grand intérêt à la tradition des drames grecs et à l’héritage du théâtre de Shakespeare. Cet homme, se considérant comme Christophe Colomb, louait Michel-Ange, Léonard de Vinci, Hannibal, Napoléon et Darwin.
Freud, malgré son orientation vers la science rigoureuse, utilisait de la cocaïne pour traiter sa neurasthénie et croyait avoir découvert, en 1884, ses propriétés digestives. Il n’a également pas hésité à s’aventurer dans le monde irrationnel. Au lieu de commenter ses 23 livres ou ses 123 articles, ou au lieu de faire une analyse de ses milliers de lettres, je préfère rappeler certains moments de sa vie pour dessiner les traits d’un Freud renouvelé du 21ème siècle, un Freud moins stéréotypé que celui décrit par les écoles de la psychanalyse ou ses critiques.

Le texte suivant a été extrait du numéro spécial « Le Monde – Une vie, une œuvre : Sigmund Freud », qui était en vente en juillet-août 2024 dans les kiosques ou sur le site internet de notre magasin.

C’est l’occasion de découvrir une autre facette de Freud, moins connue mais tout aussi fascinante : le Freud Viennois, le praticien, le philosophe politique, le voyageur, l’ami des animaux, le fils favori de sa mère, le père protecteur de sa fille, aux prises avec l’incompréhension de la sexualité féminine et son amitié pour les femmes intellectuelles. Les nazis le considéraient, à juste titre, comme leur ennemi principal. Depuis Thomas Mann, qui fut le premier à résister au destin d’Hitler, il est courant de comparer la vie du célèbre scientifique à celle de l’infâme dictateur.

Une interprétation basée sur l’inconscient

En 1909, les deux hommes vivaient à Vienne. À 53 ans, Freud, entouré de ses disciples qui formait autour de lui une sorte de symposium platonicien, était en train de révolutionner le monde avec ses théories sur l’esprit humain. Pendant ce temps, Hitler, sans connaissance de cette révolution, errait dans les rues en se prenant pour un artiste tout en se déchaînant contre les juifs, les communistes, la bourgeoisie et les élites. Emporté par le plaisir du mal, il serait, un quart de siècle plus tard, à l’origine de la destruction de la psychanalyse européenne — de son langage, de sa doctrine, de ses représentants, de ses institutions, et aussi des quatre sœurs de Freud, Maria, Adolfine, Paula et Rosa, qui disparurent dans l’obscurité du génocide.

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