Au-dessus du bar de Chez Narcisse, un « débit d’alcool » qui fait aussi office de salle de concerts, trône une vieille photographie noir et blanc d’un enfant avec une tête iroquoise. Ce cliché figure également sur les dessous de verre à bière et est dessiné au pochoir sur les murs du lieu, qui est situé au cœur du village du Val-d’Ajol, entouré par le paysage montagneux verdoyant des Vosges.
Lors de la soirée du Vendredi 19 juillet, à la première des trois soirées du festival Pied Orange, cette coiffure punk était visible sur scène. Bob’s Not Dead, le chanteur, l’arborait fièrement, ressemblant ainsi à Renaud et Johnny Rotten. Les spectateurs qui étaient venus danser au son du groupe Garçons bouchers, le vétérinaire du rock alternatif, ou celui de Lofofora, fondateur du métal-rap français, avaient également adopté cette coiffure.
Le jeune Victor Grosjean, dans la trentaine, à la tête de Chez Narcisse et co-fondateur du festival Le Pied Orange, a expliqué que cette photographie était celle de son grand-père, Norbert, datant de 1950. Norbert avait parié qu’il se taillerait ce genre de coiffure s’il réussissait son examen du brevet des collèges. Malgré son échec à l’examen, il avait osé arborer cette coupe « iroquoise », plusieurs années avant que Robert de Niro ne l’adopte dans Taxi Driver (1976) ou les rockers radicaux de Londres et de Berlin.
Ce cliché a servi de logo incontournable pour un café-concert, une propriété qui est restée dans la même famille pendant cinq générations. En 1892, à Val-d’Ajol, un forgeron nommé Alfred Collot, l’arrière-arrière-grand-père de Victor Grosjean, a ouvert un café pour occuper ses clients. En 1938, son fils, Narcisse Collot, a décidé d’ajouter une salle de cinéma à côté du bistrot. Après sa fermeture en 1961, la salle de cinéma a été transformée en théâtre et en salle de bal, avant de devenir la salle des fêtes du village. En 1986, Norbert Collot a repris l’ancienne salle de cinéma, qui sous l’influence de sa fille Stéphanie, la mère de Victor (décédée en 2012), et de ses amis, réunis dans une association appelée Rock Live toujours active, a commencé à organiser ses premiers concerts de rock.
Dans la deuxième moitié des années 1980, la scène rock française a connu un renouveau en adoptant la philosophie punk « do it yourself », tout en se libérant du modèle anglo-saxon. Des fanzines, des labels et des salles de concerts indépendantes ont vu le jour pour soutenir ces groupes. Avec environ dix concerts par an, toujours le dimanche soir, Chez Narcisse, avec sa salle de 600 places, est devenu l’un des endroits incontournables pour les amateurs et les descendants du rock alternatif français dans la région Grand-Est.
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