Catégories: Culture
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17 juillet 2024 11 h 06 min

« « Dos Madres »: Trajet cicatrisant l’histoire espagnole »

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« LE POINT DE VUE DU « MONDE » – A NE PAS RATER

Durant l’ère franquiste, environ 300 000 nourrissons ont été déclarés à tort comme morts à la naissance, puis furtivement arrachés à leurs mères espagnoles pour être l’objet d’un commerce illégal. Ce trafic d’enfants, soutenu par des théories eugénistes absurdes et la complicité des institutions médicales et religieuses, a survécu non seulement aux 40 ans de dictature, mais également à la mort de Franco, se prolongeant jusqu’aux années 1990 pour des motifs purement financiers.

La prise de conscience judiciaire de cet héritage tragique en 2010 a provoqué un vif débat au sein de la société espagnole. Cette sombre affaire sert de base au premier film de Victor Iriarte, une épopée de retrouvailles et de guérison, mettant en scène un gouffre de violences incommensurables.

Né à Bilbao en 1976, le réalisateur, qui est également un fervent cinéphile – organisateur de programmes, sélectionneur pour le Festival international du film de Saint-Sébastien, producteur, assistant de son compatriote Isaki Lacuesta et parfois cadreur – illustre avec ce film, lors de la Mostra de Venise en septembre 2023, l’énergie actuelle du jeune cinéma d’auteur espagnol.

Imaginaires variés

Sur le papier, Dos Madres aurait pu facilement se réduire à l’un de ces films qui adapte une question sociale en un drame poignant. C’était sans prendre en compte le traitement singulier et métamorphique que Victor Iriarte y instille, le passant au travers d’un prisme d’imaginaires variés, croisant tour à tour le thriller d’espionnage, le roman par correspondance ou le carnet de voyage. »

Vera (interprétée par Lola Dueñas), qui travaille comme sténographe judiciaire, est l’une de ces mères à qui on a arraché son enfant, en l’occurrence un petit garçon, à sa naissance il y a de cela vingt ans. Depuis, elle a choisi de vivre dans l’ombre, se transformant en détective clandestine pour récupérer des informations inaccessibles, quitte à recourir à l’extorsion et au chantage, afin de retrouver son fils. Son enfant, bien réel, se nomme Egoz (Manuel Egozkue) et mène une vie tranquille à Saint-Sébastien aux côtés de sa mère adoptive, Cora (Ana Torrent), une professeure de piano qui l’a élevé et entouré d’amour.

Le trio se réunit quelque part dans la vallée du Douro, au Portugal, rompant avec leurs ancres habituelles pour mieux se retrouver et guérir les blessures du passé. Vera dévoile son plan longtemps pensé et soigneusement organisé : leur mission est de dérober le Musée d’Art et d’Histoire de Porto, « l’ancienne prison de la ville », où une somme d’argent importante est cachée par des individus puissants, leurs anciens tourmenteurs, en guise de restitution.

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