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« Rencontres d’Arles: Lee Friedlander, Photographe-Cinéaste »

Lee Friedlander, né en 1934 et reconnu comme un des grands noms de la photographie de rue américaine du vingtième siècle, a toujours su créer des images qui tiennent en équilibre sur le bord du chaos. Ses photographies présentent constamment des éléments déstabilisants, comme un poteau, un arbre, un feu de circulation, qui semblent intrus et disposés de manière aléatoire. Cependant, comme des prodiges, ses compositions en noir et blanc désordonnées retrouvent toujours leur structure. C’est cette stabilité au sein de l’instabilité qui a captivé le réalisateur de cinéma Joel Coen, qui a été invité à sélectionner des photographies parmi l’immense œuvre de Friedlander pour créer un livre et une exposition. Pour Coen, les images de Friedlander sont étonnantes car elles réussissent là où elles ne le devraient pas, selon les critères traditionnels de la composition.

A l’Arles, au sein de la Fondation Luma, une exposition du réalisateur américain met en lumière 70 images, qui sont désormais une partie de la collection Luma, accompagnées d’un film basé sur l’œuvre de son compatriote. C’est une première expérience de conservation pour le directeur, célèbre pour ses films distinctifs et originaux co-réalisés avec son frère Ethan, comme The Big Lebowski, Fargo, Ladykillers, parmi d’autres. Lors d’une interview à Arles, il a fermement rejeté toute corrélation entre les photos de Friedlander et ses propres films, malgré leur appréciation mutuelle pour une Amérique ordinaire et négligée, celle des villes sans caractère et des zones commerçantes chaotiques. « L’Amérique est en effet le sujet principal de mes films, comme des siens, » dit-il. « Cependant, ce n’est pas ce qui m’a attiré dans ses images. Elles auraient pu être prises au Tibet. J’ai été fasciné par l’aspect formel. Son travail est complexe, son regard est unique. J’admire les personnes qui font des choses différemment. »
« Affinités formelles ».

La signature du réalisateur est évidente, spécialement dans sa manière de monter des séquences d’images sur le mur et dans le film, organisées par paires ou trios selon des ressemblances formelles plutôt que thématiques : traits horizontaux ou diagonaux qui traversent l’image, carrés et rectangles, superpositions et juxtapositions de plans… De cette manière, Joel Coen offre une interprétation renouvelée de l’œuvre en démantelant les séries qui ont établi la renommée de Friedlander depuis les années 1960 : des monuments loin d’être monumentaux, des télévisions allumées dans des chambres d’hôtel, des travailleurs à l’ouvrage, toujours observés avec une ironie distante et un humour mordant. Cela permet de mettre en évidence le talent exceptionnel du photographe, qui sectionne ses scènes en pièces en jouant avec des reflets, des vitrines, des fils électriques ou des poteaux. Pour accompagner cet exercice de style, le conservateur Matthieu Humery a divisé l’espace d’exposition, en élevant, au centre, un mur surprenant qui clôt une perspective et en dévoile une autre. Le reste de cet article, soit 36.53%, est réservé aux abonnés.

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