Au milieu de l’agitation de la période entre les deux tours des élections législatives, un événement a failli passer inaperçu. Le 4 juillet, trois jours avant un vote crucial pour le futur de la France, Anne Hidalgo, la maire de Paris, a remis son certificat de nationalité française original au Musée national de l’histoire de l’immigration, abrité au Palais de la Porte-Dorée à Paris. « Comme de nombreux enfants d’immigrants, j’ai toujours eu peur de perdre et de me séparer de ce document officiel qui confirme ma nationalité », a-t-elle immédiatement partagé sur Instagram, mettant en avant ses racines espagnoles. La décision avait été longuement mûrie. Cependant, l’acte a été accéléré par les circonstances actuelles : Jordan Bardella, président du Rassemblement national (RN), avait déclaré dix jours auparavant qu’il interdirait certains postes « stratégiques » aux Français possédant une autre nationalité, s’il arrivait à Matignon.
Le 7 juillet, le parti de Marine Le Pen, qui avait promis une « loi d’urgence » sur l’immigration, s’est retrouvé en troisième place, loin de la majorité absolue qu’il espérait pour prendre le pouvoir. Cela a été un grand soulagement pour Constance Rivière, directrice générale du Palais de la Porte-Dorée, l’institution publique qui chapeaute à la fois le Musée national de l’histoire de l’immigration et l’Aquarium tropical. « On a eu peur, bien sûr, d’abord pour la France et, comme Musée de l’immigration, de se trouver en position précaire si le RN avait accédé au pouvoir », admet l’énarque sans mâcher ses mots.
Il demeure une énigme la façon dont le musée a évité le radar de l’extrême droite. Son ex-directeur, Pap Ndiaye, a bien sûr été sévèrement critiqué par la fachosphère, mais uniquement quand il est devenu ministre de l’éducation. « Le musée est passé inaperçu car il est trop « petit ». Ils ne sont guère au courant de son existence », nous a-t-il confié.
Aspiration à la vérité
En juin 2023, la chaîne CNews, toujours prête à lancer une attaque contre la « propagande woke », avait crié à la « falsification de l’histoire » suite à une campagne publicitaire du musée présentant le roi Louis XIV, fils d’Anne d’Autriche, avec la citation : « C’est incroyable tous ces étrangers qui ont marqué l’histoire de la France.». Cependant, la controverse s’est rapidement dissipée, sans doute parce que « l’argument du musée est historiquement irréprochable, insiste Constance Rivière. Nous nous basons sur le savoir, les faits, les statistiques officielles ».
Ces informations ont été réitérées le 20 juin, lors d’une soirée de mobilisation organisée par l’établissement sous le titre « Immigration : qu’est-ce qui nous fait peur ? ». Pendant trois heures, devant quatre cents spectateurs, une douzaine d’orateurs, dont la réalisatrice Alice Diop et le dramaturge Alexis Michalik, sont montés sur scène pour démystifier les fausses informations propagées par le RN. L’historien Patrick Boucheron, l’un des créateurs du nouveau parcours permanent du musée, était bien sûr présent. « Les Français sont moins opposés à l’immigration qu’on ne le pense, confie-t-il au Monde. Mais cela fait trente ans qu’on leur demande s’il y a trop d’immigrants et, à force de leur poser la question, on a fini par insinuer une réponse. »
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