Toujours aussi touchant, Tiziano Cruz a ravi une fois de plus le public d’Avignon ce mercredi 10 juillet, avec sa pièce Wayqeycuna, qui continue l’exploration autobiographique de l’artiste, après l’aperçu offert par son spectacle précédent, Soliloquio. Confiant les détails intimes de sa vie en tant que queer argentin d’origine indigène, Cruz dépeint l’harmonieux mélange entre son univers privé et l’engagement politique à travers différents moyens d’expression tels que les arts plastiques, le cinéma et la performance. Son discours à la fois coupant et chaleureux ne laisse pas indifférent.
Soliloquio, sa pièce précédente, était une critique de l’autorité morbide qui a ôté la vie à sa mère et sa sœur. Wayqueycuna – qui signifie « mes frères » en quechua – illustre la volonté de Tiziano Cruz de renouer avec ses origines, dans la région de Jujuy, située à l’extrême nord de l’Argentine. Il fait référence à cette région montagneuse d’Andes sous forme de poésie passionnée dès le début de son spectacle, représentée par des images aériennes flottantes projetées sur de grandes voiles blancs.
Le reste de son spectacle sera imprégné de cette ambiance légèrement spectrale en ramenant le public vers ce monde qui a maintenu un lien poétique avec la vie, un monde où « les arbres conservent les chuchotements de l’enfance », mais qui est menacé par l’essor d’un capitalisme extractif qui dépossède les Indiens de leurs terres. Il peint l’image d’un monde où « il y a toujours quelqu’un de plus pauvre que le plus pauvre ».
La représentation se conclut sur le thème du « Moutons et loups ».
Dans un univers en déclin, Tiziano Cruz capture les soubresauts de la vie et de la mort, créant des images superbement filmées et éditées, rappelant le célèbre documentariste hollandais Johan van der Keuken. Il se concentre sur les visages sans jamais dévoiler leur mystère. On observe un enfant – probablement son neveu, le petit orphelin Tizianito – en train d’apprendre l’espagnol, symbolisant le changement d’une langue à une autre, de la langue native à celle de l’envahisseur. On aperçoit des moutons en déplacement dans le brouillard, sur les sommets des montagnes, scènes atemporelles d’un monde qui semble préservé, mais toujours sous la menace constante des loups.
Cruz incorpore ces séquences à une cérémonie paisible, où il joue continuellement avec les contrastes entre son identité en tant que jeune homme artistique, un indigène couronné de succès, vêtu d’une pure combinaison blanche (comme une requête pour blanchir sa couleur), et son identité en tant qu’indien à la peau de caramel, portant un poncho de laine brun. Il déploie prudemment cette cérémonie, un peu plus chaque fois, comme s’il déroulait soigneusement un de ces tissus brodés avec de la laine de mouton par le peuple aymara.
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