La présence des artistes ukrainiens au Festival d’Avignon est accrue, et ce, pour rappeler aux Européens qu’ils ne doivent pas baisser la garde. Tandis que dans la Cour d’honneur, Marta Gornicka, la réalisatrice polonaise de Mothers. A Song for Wartime, entonne les chansons de femmes réfugiées ukrainiennes et biélorusses en Pologne, environ une trentaine de jeunes artistes vivant sous les assauts russes ont été invités à rejoindre la ville des Papes par Pascal Keiser, le directeur de la Manufacture Theatre, organisant des événements « off ».
Le 8 juillet, un hôpital pour enfants à Kiev a été touché par des missiles russes. « Nous, en tant que nations et artistes, nous devons apprendre comment former des coalitions et des internationalisations humanistes pour contrer les internationalisations totalitaires. Il nous incombe d’inventer l’avenir », déclare Romana Soutus, productrice du groupe Vidlik Projects, qui a créé Misto Mariï, une performance musicale documentaire dédiée aux traumatismes de guerre.
Ivan Uryvskyi, fatigué mais d’accord avec elle, met en scène Caligula de Camus, une pièce intense qui analyse le déclin d’un empereur dont l’hubris le fait passer de la démocratie à la tyrannie. « Nous vivons dans un danger permanent ».
La pièce de théâtre a vu le jour il y a deux ans au Théâtre national Ivan-Franko, positionné à une distance minime de 40 mètres du palais présidentiel Mariïnsky, au cœur de la métropole ukrainienne. Malgré les difficultés, le théâtre reste ouvert. L’actuel président Volodymyr Zelensky, de même que les résidents, continuent de donner de l’importance à la culture. « Suite à l’invasion russe, pendant deux mois, les gens se cloîtraient chez eux. Nous avons réinstauré les représentations théâtrales dans des zones souterraines ainsi que des parkings. Très rapidement, la population a réinvesti le théâtre, en plus grand nombre qu’auparavant. En réponse à la question : une nation en conflit a-t-elle besoin de théâtre ? La réponse est affirmativement oui », déclare Ivan Uryvskyi, appuyé par l’enthousiasme des fans qui font longuement la file devant le théâtre. Lui-même doit gérer la fatigue, la terreur et les alertes retentissantes jour après jour.
Liudmyla Harbuz, qui travaille au théâtre en tant que vice-directrice du développement international, montre une vidéo sur son téléphone mobile. La vidéo montre des acteurs dans leurs habits de scène assis dans une cour morose, la mine défaite, en attente de remonter sur la scène. « C’est notre réalité constante, les représentations sont interrompues, nécessitant d’arrêter et d’attendre. Nous vivons constamment sous la menace », dit-elle. Tous continuent de repousser la terreur en se plongeant dans leur travail. Leur combat à travers les arts vient du fait qu’ils ont appris à manipuler des mitraillettes. Une quinzaine de salariés du Théâtre national Ivan-Franko ont rejoint le front. Un collègue a été tué, un autre est porté disparu.
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