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« Portrait de Bruxelles sur Mousses »

La critique du Monde – Un film à voir absolument

Il serait impossible d’épuiser les représentations filmées de Bruxelles, une ville en constante évolution qui présente aux passants un visage énigmatique à travers son architecture variée, son paysage géométrique diversifié, ses contours irréguliers et ses transformations perpétuelles.

Bas Devos, cinéaste belge de 41 ans, né en 1983 à Zoersel, dans la province d’Anvers, reste fasciné par cette métropole qu’il utilise comme toile de fond pour ses récits minimalistes, centrés sur des vies invisibles et marginales.

Ghost Tropic, son premier film à avoir été diffusé dans les cinémas français en janvier 2020, racontait les aventures nocturnes d’une femme de ménage forcée de traverser la ville à pied. Son nouveau long-métrage, Here, continue de refléter ses impressions de la ville. Présenté à la Berlinale en février 2023, le film a été inclus dans la section avant-gardiste « Encounters », consacrée à la création et qui a depuis été supprimée, un acte marquant l’une des premières actions de la nouvelle direction.

C’est un cinéma du plan fixe

L’histoire commence pendant la pause estivale des travaux de construction, lorsque la ville cesse pour quelques semaines sa croissance effrénée. Stefan (Stefan Gota), un travailleur de la construction d’origine roumaine, se prépare à rentrer chez lui dès que sa vieille voiture (qualifiée de « carcasse ») sera réparée. En attendant, Stefan dispose de trois ou quatre jours pour régler ses affaires : préparer une soupe avec les restes de son réfrigérateur et la distribuer à ses proches lors d’une tournée d’adieux.

Au coeur de son temps excédentaire, Stephan entretient une relation intime avec la cité qu’il traverse à toute heure, jour et nuit. Le film explore d’abord ce lien vibrant entre l’isolement individuel et l’urbanité effervescente dans un ballet d’interactions et de pénétrations qui facilitent l’évasion ou le songe; Stephan, insomniac, est souvent pris de sommeil en plein jour, errant durant les heures sombres de la nuit.

Plutôt que l’histoire d’une errance, « Here » raconte une rencontre entre deux personnes. Par une subtile variation au milieu du film, le focus se délaisse de Stephan pour se poser sur Shuxiu (interprétée par Liyo Gong), une scientifique et professeure d’origine chinoise spécialisée dans l’étude du bryologie, l’étude des mousses.

La chronologie du film instaure initialement une distance entre les deux protagonistes, n’ayant comme point commun que le lieu d’habitation, dessinant ainsi deux figures d’une ville cosmopolite où se mêlent des trajectoires globalisées – ici, celle d’un travailleur migrant et d’une fille de l’immigration. Durant un de ses cours, la jeune chercheuse parle des plantes aquatiques en termes de « racines secondaires », une métaphore enveloppante pour l’esprit multiculturel de la métropole. Shuxiu et Stephan ont tous deux tendance à traverser les bois; elle pour observer des spécimens de mousse près des arbres, lui lors de ses promenades au travers de parcs et jardins. C’est là, à l’abri des feuillages, qu’ils se rapprocheront, fascinés par les mousses. « C’est comme une micro-foret, c’est vraiment vivant », dira Shuxiu.

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