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« Festival d’Avignon: ‘Soliloquio’ politique de Cruz »

Un jeune queer argentin de descendance indigène, provenant du pays dirigé par le président Javier Milei, lance son physique dans la lutte. Il apparaît dans la rue d’Avignon, habillé uniquement d’un caleçon blanc et d’un plastron orné de pompons et de perles brillantes, exposé à la vue de tous. Le premier spectacle montré par Tiziano Cruz au Festival d’Avignon, Soliloquio (me desperté y golpeé mi cabeza contra la pared) (« soliloquie. Je me suis réveillé et j’ai heurté ma tête contre le mur »), commence avec un défilé en plein air, en entrainant le public dans un mélange de joie, un discours hautement politique sur la condition indigène et de la musique andine – qui, bien sûr, peut largement s’éloigner des clichés instaurés par la célèbre chanson El Condor Pasa.

Tiziano Cruz pratique un art accueillant, et chaque fois qu’il présente Soliloquio, il recrée ce défilé avec des artistes amateurs locaux. À Avignon, il a collaboré avec l’association Alma gitana, qui enseigne l’art de la danse flamenco à des femmes et des filles – de tous les horizons – du quartier défavorisé de Monclar. Ce sont elles qui constituent le cœur de ce défilé, rayonnantes et fières d’y participer, et sont applaudies par le public du festival « in ».

Fable du loup et de l’agneau.

Dans la première moitié festive et collective de Soliloquio, on pourrait se poser des questions sur son aspect folklorique. Cependant, cette première partie est suivie par une deuxième partie qui se caractérise par la performance et la modernité. Une fois arrivés dans la salle du Gymnase du lycée Mistral, Tiziano Cruz, seul sur la scène, commence à parler et tisse une cérémonie intime avec des résonances politiques. Il utilise uniquement la force de son fragile corps d’ancien enfant des rues, son texte percutant sur les conséquences du « nécropouvoir » sur les peuples autochtones, et quelques objets que son père a ramassés dans la région du Jujuy, d’où il est originaire.

La fable du loup et de l’agneau imprègne tout le Soliloquio, entre les souvenirs que Tiziano Cruz évoque d’un monde autochtone caractérisé par une relation poétique à l’existence et l’avidité d’un capitalisme extractif. « Nous, les Sud-Américains, sommes condamnés à être exotiques », interprète-t-il, mettant ainsi en perspective la première partie de son spectacle. En évoquant sa mère, décédée faute d’avoir reçu le traitement nécessaire à temps, l’image de cette femme en noir et blanc, de grande taille, apparaît sur l’écran du fond de la scène. Puis, petit à petit, elle se transforme insensiblement pour révéler le visage de l’actrice Renée Falconetti de La Passion de Jeanne d’Arc (1928), de Carl Theodor Dreyer.

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