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« Jeanne Balibar: Sentiment accru de fragilité »

Jeanne Balibar, une actrice multifacette, a laissé son empreinte dans l’univers du théâtre, du cinéma, de la danse et du chant depuis ses premiers pas à la Comédie-Française en 1993. Récompensée par un César pour son rôle dans Barbara de Mathieu Amalric, elle fut une figure emblématique du cinéma d’auteur des années 1990. Elle a aussi excellé sur scène, notamment sous la tutelle du directeur de théâtre Frank Castorf à Berlin, tout en produisant plusieurs albums de musique. Elle offre actuellement sa prestation dans Quichotte à Avignon, dirigé par Gwenaël Morin, jusqu’au 20 juillet.

Si elle n’avait pas été emmenée par sa mère à l’âge de 8 ans pour voir la performance d’Arlequin serviteur de deux maîtres de Goldoni, au Théâtre de l’Odéon à Paris, elle ne serait pas là où elle est aujourd’hui. La clarté avec laquelle les acteurs racontaient l’histoire, bien que le spectacle soit en italien sans sous-titres, a fait une impression indélébile sur elle lors de cette représentation unique, joyeuse et festive. Cela a changé le cours de sa vie. Par la suite, c’est elle qui a hérité du costume d’Harlequin confectionné par sa mère, lui-même cousu losange par losange.

Elle provient d’une longue lignée de femmes couturières, y compris sa mère et sa grand-mère maternelle, issue d’une famille d’agriculteurs de Charente, qui avait un penchant pour les belles choses et qui aimait particulièrement la haute couture. Cette passion est passée à sa mère, puis à elle. Si elle n’avait pas choisi la voie du spectacle, elle aurait probablement été costumière. Son père, quant à lui, provient d’une famille d’ouvriers du Creusot, dans Saône-et-Loire, où les hommes travaillaient à l’usine pendant que les femmes brodaient pour une entreprise de lingerie. Sa famille paternelle est originaire d’Ukraine.

Oui, mes ancêtres, des juifs ukrainiens, sont arriveés en France en 1912 pour échapper aux pogroms. Mon arrière-grand-père a été attrapé lors de la rafle du Vél’d’Hiv pendant la guerre et a perdu sa vie à Auschwitz. Mon grand-père me parlait continuellement de son père, le dépeignant comme un homme d’honneur. Quant à lui, il avait réussi à se cacher dans le sud pendant une partie de la guerre. Sa mère avait réussi à se rendre en zone libre, dissimulée dans le coffre d’une voiture.

Quel impact cette histoire familiale a-t-elle eu sur moi ?
Je savais que mes grands-parents avaient acquis une maison à Gordes [Vaucluse] en 1946, du fait que la famille qui avait protégé mon grand-père pendant la guerre y résidait. Cependant, la majorité de ce qui s’était passé était dissimulé, comme dans de nombreuses familles juives. Donc je n’en sais pas grand-chose. De cet héritage, je dirais que j’ai probablement une hyperémotivité inexpliquée et une fascination profonde pour le concept de l’étranger et de l’accueil des étrangers.

Votre père, Etienne Balibar, est un philosophe marxiste de renommée. Votre mère, Françoise, est une physicienne et historienne des sciences. Comment étaient-ils avec vous, leur seul enfant?
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