Avant de devenir une artiste, Debi Cornwall, une Américaine, était une avocate, spécialisée dans les droits de l’homme. Sa tâche principale était de défendre les gens qui avaient été injustement condamnés et qui ont ensuite été innocentés grâce aux tests ADN, ou les familles ayant perdu un être cher de manière injustifiée par la police. Finalement, elle a quitté ce poste, épuisée par la colère qui était au cœur de ses luttes juridiques, mais cela a eu un impact durable sur son art. Comme elle l’explique, «Je suis une personne critique du pouvoir : l’utilisation et l’abus de celui-ci». Cette photographe de 51 ans expose ses photos conceptuelles dans une exposition intrigante intitulée « Citoyens Modèles » à Espace Monoprix lors des Rencontres d’Arles.
Les photographies de Debi Cornwall évoquent des scènes de guerre ou de catastrophe dans une manière mystérieuse et ambivalente. Il y a des drapeaux américains, des soldats en embuscade, des cadavres gisants, des villages abandonnés, cependant, quelque chose semble toujours hors de propos : les vêtements sont trop nets, les blessés ne semblent pas trop contractés, les bâtiments paraissent neufs et peints en couleurs vives. Ce que ces images présentent fidèlement est ce que la photographe a capturé dans des bases militaires américaines entrain de s’entraîner, ou dans des musées d’histoire à travers les États-Unis. Cependant, elles ne présentent en réalité que des mises en scène.
Dans chacune de ses œuvres présentées, tout comme dans son livre publié par Textuel, l’artiste choisit délibérément d’éviter toute spectacularité excessif, ne partageant que des détails minutieux. « Mon intention est de désorienter le spectateur pour éveiller sa curiosité et mettre en question les espaces qui séparent les images », dit-elle. Ce qui l’attire ce n’est pas l’aspect descriptif ou documentaire, mais plutôt la façon dont fonctionne un système politique et militaire qu’elle tente de révéler. « Je m’interroge sur la manière dont le pouvoir se met en avant à travers des performances, dans une culture militarisée où les lignes séparant la vérité et la fiction sont floues. »
Dans sa série « Necessary Fictions », Debi Cornwall a photographié des endroits où les militaires essaient de présenter leur propre image : elle a parcouru des bases militaires américaines où des Irakiens et des Afghans, généralement des réfugiés qui ont fui la guerre, sont costumés et sollicités pour rejouer leur supposé rôle dans de fausses villes Potemkine. Construits spécifiquement pour former les soldats, ces endroits servent de cadre à des « scénarios » inspirés de champs de bataille distants. En outre, elle a aussi visité des sites d’entraînement de la garde nationale, où de vrais soldats américains simulent de graves blessures lors de reconstitutions à grande échelle ; le but est de former les équipes médicales à identifier les blessures et à maîtriser les gestes d’urgence.
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