Un an après avoir sollicité Julie Deliquet pour créer son oeuvre Welfare à la Cour d’honneur du Palais des papes, Tiago Rodrigues, directeur du Festival d’Avignon, a invité deux femmes artistes à occuper le célèbre espace scénique. Les artistes invitées sont l’Espagnole Angelica Liddell (Dämon. El funeral de Bergman) et la Polonaise Marta Gornicka (Mothers. A Song for Wartime). Avec leur inclusion, le Festival d’Avignon rompt avec des décennies de dominance masculine. L’édition 2024 du Festival verra un nombre croissant de metteures en scène faire mouvement, de la Cour à la FabricA, via les salles de Vedène ou du Gymnase du lycée Aubanel, adaptant les espaces à leur style artistique.
La reconnaissance du talent de ces femmes pour dominer les grandes scènes en France est désormais établie, même si elle a mis du temps à être reconnue. « Hormis Ariane Mnouchkine, nous avions peu de modèles », se souvient Caroline Guiela Nguyen. La pénurie de modèles féminins a interrogé leur légitimité à occuper ces espaces. À l’âge de 42 ans, cette metteure en scène fait partie d’une génération qui a dû prouver sa valeur pour gagner plus d’exposition. Elle a donné son premier spectacle sur la petite scène du Théâtre de la Colline à Paris. Elle rend hommage à l’action de Tiago Rodrigues, affirmant que de tels gestes courageux sont nécessaires pour que les femmes réalisent leur véritable potentiel. Avec Lacrima, présenté au Gymnase Aubanel, elle a conquis une scène de 18 mètres de large et 15 mètres de profondeur pour y explorer un sujet inattendu : la broderie de la robe de mariage de la reine d’Angleterre.
La métaphore que Caroline Guiela Nguyen choisirait pour illustrer son travail serait « les mains de l’artisan cousant 2 500 000 perles sur du satin ». Cette image incarne sa perception de la scène théâtrale comme un lieu d’accueil des diverses histoires et personnalités plutôt qu’un espace de pouvoir. C’est pourquoi elle a besoin d’un contrôle total et est réticente à l’idée d’accepter la Cour d’honneur, au moins dans l’immédiat. Elle se concentre sur la réalisation de « boîtes noires » et rejette actuellement tout ce qui est extérieur ou distrayant, comme le chant des oiseaux au crépuscule.
Cependant, ne soyons pas confus. Les femmes artistes n’éprouvent pas nécessairement le besoin de démontrer leur autorité ou leur talent par des moyens extravagants. Cette perspective rend leur approche du théâtre plus libre. Prenons l’exemple de Lorraine de Sagazan, qui a commencé dans le petit Théâtre de Belleville à Paris il y a une décennie. À l’âge de 37 ans, elle met en scène Léviathan au Gymnase Aubanel, un spectacle qui sera ensuite repris à l’Odéon-Théâtre de l’Europe en 2025. Malgré les défis, elle estime que la lutte pour la place des femmes dans le théâtre a été en grande partie remportée, bien que l’exigence d’excellence soit peut-être plus importante pour elles que pour leurs homologues masculins. Sagazan a eu la chance de pouvoir développer progressivement ses compétences et son talent.
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