Après une carrière fulgurante en cinéma (cinq films réalisés en neuf ans dont le célèbre « Take Shelter »), un silence assourdissant s’est abattu sur Jeff Nichols. Pas de nouvelles oeuvres depuis « Loving » en 2016, des projets qui stagnent, une réputation qui s’érode… Cependant, l’éminent cinéaste américain marque son grand retour avec « The Bikeriders », un nouvel opus racontant la descente fatidique d’un groupe de motards dans la violence à l’aube des années 70. Lors de son passage à Paris, le réalisateur quadragénaire s’est exprimé à propos de son retour devant la caméra dans une interview avec Le Monde.
Interrogé à propos de son intérêt pour le monde des motards, il se confesse : pendant longtemps, le milieu ne lui plaisait guère. C’est seulement deux ans après la conclusion de ses études cinématographiques en 2003, que son frère Ben lui a offert le livre « The Bikeriders ». L’oeuvre est une dédicace du photographe Danny Lyon à la célèbre bande de motards des Outlaws en 1968. Le livre a captivé Nichols avec son juxtaposition de photographies romantiques de Lyon et les entrevues authentiques mais diversifiées de ses membres.
Nichols n’a jamais rencontré les membres des Outlaws, expliquant après son expérience sur le film « Loving » que les gens ont tendance à réinterpréter leur histoire au fil du temps. Cependant, il a rencontré Danny Lyon en 2014 par l’intermédiaire de son frère Ben, membre du groupe punk rock Lucero. Lyon a invité Nichols chez lui au Nouveau-Mexique et lui a généreusement fourni l’accès à toutes ses archives sonores et photographiques.
Dans mon point de vue, les motocyclistes sont le reflet de la façon dont les marginaux, lorsqu’ils s’unissent, deviennent des versions exagérées et caricaturées d’eux-mêmes. Ce phénomène est quelque chose que j’ai pu constater au sein de la scène punk de Little Rock, Arkansas, où j’ai grandi.
Quand avez-vous réalisé cela ?
J’étais batteur dans un groupe très médiocre. Mes amis et moi, animés par un esprit de révolte, rejetions les normes sociales établies. La musique nous représentait, elle nous appartenait, elle était nous. Ensuite, nous avons réalisé que nous n’étions pas les seuls à l’apprécier, qu’elle faisait partie d’une scène bien plus large à l’échelle nationale. C’est un sentiment qui est aussi ressenti par les motocyclistes de The Bikeriders : leur culture leur échappe.
Hollywood a aidé à transformer le motocycliste en une mythologie du XXe siècle. Votre film, qui fait référence à « L’Escapade sauvage » (1953) et à « Easy Rider » (1969), se situe-t-il dans cette tradition ?
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