Walter Benjamin avait symbolisé les passages couverts comme l’essence de la modernité et le style de vie parisien. Près d’un siècle après le début du recueil de textes monumental qui sera finalement publié à titre posthume en 1982 sous le nom de « Paris, capitale du XIXe siècle » (Le Cerf – le titre allemand étant Das Passagen-Werk, soit « Le Livre des passages »), ces ouvertures lumineuses dans l’hyperdensité haussmannienne sont devenues une partie du folklore. Dans une ville soumise aux désirs des géants du luxe, où certains quartiers ressemblent de plus en plus à un centre commercial lors d’une opération spéciale, elles sont les vestiges surannés d’un passé idéalisé.
Cependant, une nouvelle forme de passages est en train de se développer sans fanfare, qui pourrait être un signe des temps actuels. Il s’agit des cœurs d’îlot, des espaces à ciel ouvert initialement destinés à l’usage exclusif des occupants des bâtiments qui en bordent le périmètre. Une partie est progressivement et régulièrement restituée à la ville et à ses habitants.
Dans la capitale, la construction neuve est confrontée à un ensemble de contraintes : le boulevard périphérique rigide, le PLU bioclimatique qui limite la hauteur des bâtiments à 37 mètres, la protection du patrimoine sous la supervision des architectes des Bâtiments de France et de la commission du Vieux Paris, et l’hyperactivité des riverains et des associations.
L’objectif de la municipalité d’augmenter la proportion de logements sociaux de 25 % à 40 % d’ici 2035 repose principalement sur la rénovation de l’ancien bâti. En effet, les bureaux inutilisés représentent une ressource exceptionnellement précieuse en la matière. Les cours et jardins associés sont ainsi transformés pour répondre aux besoins actuels.
Par exemple, dans le 7ème arrondissement, la refonte des anciens bureaux du Ministère des Armées en logements a été imaginée autour de l’espace central vide. François Brugel, qui a conçu ce projet avec l’agence H2O, lauréate du prix Equerre d’Argent 2023, explique : « Notre intention était de transformer ce bâtiment, jadis le plus discret de Paris, en un lieu presque public, le plus ouvert possible sur la ville! ».
Le projet a disposé d’une belle maison en pierre du XVIIIe siècle et d’un bâtiment en béton des années 1960, typique d’un fonctionnalisme radicalement dépouillé d’ornements. Malgré leurs différences, ces deux bâtiments partagent l’adresse 10, rue Saint-Dominique, et une cour intérieure qui les lie. Pour installer le centre sportif requis par le projet, en plus des 254 logements sociaux et de la crèche, ils ont décidé de construire un troisième bâtiment en son milieu.
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