Savourant un café crème garni de véritable crème, exactement comme à Vienne, Marie-Nicole Lemieux, une cantatrice québécoise, se retrouve au Café Brant à Strasbourg en ce doux matin du 28 mai. Après avoir livré une exécution à Toulouse, elle a décidé de se détendre quelques jours à Strasbourg. Cela lui offre une petite pause avant de reprendre sa route vers Cologne (Allemagne), puis le Festival de Saint-Denis (Seine-Saint-Denis), où son interprétation de Rhapsodie pour alto de Brahms sera présentée pour la première fois en France.
La fin du mois de juin annonce d’autres spectacles, notamment un Gala Belle Epoque au Théâtre des Champs-Elysées à Paris et Les Nuits d’été de Berlioz au Festival de Carcassonne, une œuvre qu’elle considère comme l’un de ses rôles phares. Lemieux se rappelle de son dernier passage au Capitole en 2022 où elle a joué Carmen, pendant l’époque du Covid, et la réception chaleureuse du public dont elle n’a pas pu pleinement se délecter.
Touchée par une vague émotionnelle, son regard portait en lui le reflet de la tristesse. Elle se rappelait du décès de son père en 2000, des angoisses existentielles qui ne l’ont jamais quittée et de la musique qui, depuis sa tendre enfance, est devenue son eau de vie, apaisée seulement par la consolation que procure la musique, telle que l’ultime Lied du Chant de la Terre de Mahler, Der Abschied (« l’adieu ») – comme elle le dit, « après la bataille contre la mort, l’espoir d’un monde de paix et de lumière ». Sa voix de contralto a un timbre rare.
Marie-Nicole Lemieux, une Québécoise, a fait une entrée remarquée sur la scène européenne en 2000 suite à la conquête du Prix de lied et du Premier Prix, à l’âge de 25 ans, au concours renommé Reine Elisabeth à Bruxelles. Sa voix de contralto est dotée d’une tonalité rare, riche et profondément séduisante, tirée du registre le plus grave de la voix féminine. Elle possède une musicalité innate et un je-ne-sais-quoi de grandiose, qui n’écarte pas délicatesse ni émotion. On pourrait dire que Lemieux a tous les attributs d’une cantatrice wagnérienne. Cependant, elle ne le confirmera que deux décennies plus tard, récemment, en livrant une performance époustouflante en tant que Fricka dans L’Or du Rhin et La Walkyrie, produites par Romeo Castellucci pour la nouvelle « Ring » de La Monnaie de Bruxelles, qui fut abruptement interrompue. « Mon corps est si en accord avec Wagner », confie-t-elle avec enthousiasme. « Je chante avec une sensation de complétude réjouissante, jusqu’aux bouts de mes orteils. C’était une possibilité qui avait été brièvement envisagée au commencment de ma carrière, mais cela ne s’est jamais concrétisé. Peut-être parce que mes débuts ont été dans le baroque. »
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